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Numéro 61 - 07 septembre 2016
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Les Couilles : En avoir, ou pas

Dessin : Cyrille Vessière

Les Couilles : En avoir, ou pas

Si l'expression « avoir des couilles » peut paraître de prime abord teintée de machisme, je propose d'élargir ici le sens de cette formule. En effet, comme nous le révèle Vincent Cespedes * avec son acuité de philosophe, les couilles ne sont pas qu'une usine à sperme permettant au géniteur de transmettre son ADN, elles peuvent être également perçues comme « le point d'articulation symbolique entre la présence, la fécondité et la vulnérabilité », la métaphore organique qui permet d' « exprimer la puissance d'un individu qui brave une autorité quand le commun des mortels se débine ». Les couilles se gagnent à coup de défis relevés, de soumissions refusées, de limites dépassées.

À Nice, les adolescents qui vont se percher tout en haut des rochers les plus élevés pour se jeter dans la mer nous en donnent un bel exemple http://www.lesurbainsdeminuit.fr/coups-de-coeur-et-autres-coups/4510. Par leur audace, ils nous rappellent qu'il faut s'entraîner à avoir des couilles, qu'on est toujours sur le point d'en manquer. On comprend aussi, en les observant, que les couilles sont contagieuses, transmissibles, qu'il suffit qu'une personne ait le courage de sauter dans le vide pour que tout le groupe se galvanise et plonge dans son sillage.

Les couilles, poursuit le philosophe, nous donnent « la capacité d'oser transgresser » et le culot de casser « la politesse et les bienséances pour manifester notre désaccord, notre présence, notre colère ». Mais ne réduisons pas leurs vertus à une simple posture d'opposition ou d'affrontement. Ce qu'elles nous font détruire, elles nous donnent aussi l'énergie de le reconstruire, en mieux. C'est  grâce à elles que nous devenons capables d'imaginer de nouveaux modèles de société, à l'instar des oasis de Pierre Rhabi http://www.lesurbainsdeminuit.fr/coups-de-coeur-et-autres-coups/4523.

C'est grâce à elles que nous formons nos chantiers les plus ambitieux, nos rêves les plus fragiles, nos paris les plus beaux et les plus risqués. C'est grâce à elles que nous nous lançons dans des aventures folles comme la Saint Narcisse, ce festival artistique interdisciplinaire organisé par une poignée d'Urbains, sans autre soutien que l' enthousiasme de tous. Festival couillu au sens le plus philosophique du terme, puisqu'il s'emploie à fédérer les puissances les plus diverses au mois d'octobre prochain, et à faire jaillir les spontanéités créatrices à travers toute la ville de Nice,  pendant quinze jours  http://www.lesurbainsdeminuit.fr/evenements-des-urbains/7646

On l'a compris, la métaphore des couilles nourrit une éthique débarrassée de tout sexisme. De fait, comme Vincent Cespedes le reconnaît de bonne grâce, ce sont souvent les femmes qui ont le plus de couilles : « Les qualités que nous plaçons dans nos couilles (intrépidité, fécondité, vulnérabilité) se retrouvent généralement dans les femmes entières. ». Cette idée, la compagnie Antipodes la met en scène avec fougue et talent http://www.lesurbainsdeminuit.fr/coups-de-coeur-et-autres-coups/4498.


 « Pas d'humanité sans couilles », résume Cespedes. Si c'est dans nos couilles que nous puisons la force et le courage de faire le grand saut dans le vide, c'est avec la littérature, la philosophie, la poésie, le chant, que nous ralentissons la chute et que nous tissons nos filets de secours. Georges Didi-Huberman, philosophe, nous apprend à sentir le grisou de l'Histoire, à prévoir la catastrophe avant qu'elle ne se produise http://www.lesurbainsdeminuit.fr/coups-de-coeur-et-autres-coups/4505. Rocio Marquez, chanteuse de flamenco, accompagne de son chant les mineurs qui s'enfoncent dans les entrailles de la Terre http://www.lesurbainsdeminuit.fr/coups-de-coeur-et-autres-coups/4522. Roberto Juarroz, poète, jette ses vers dans le vide pour conjurer le vertige http://www.lesurbainsdeminuit.fr/coups-de-coeur-et-autres-coups/4520. Ce patient tricotage de mots et d'idées, qui caractérise l'humanité dans ce qu'elle a de plus noble, nous évite de nous écraser à terre, parfois même nous donne des ailes.

 

Animande, aux Urbains de Minuit

 

* L'Homme expliqué aux femmes, Vincent Cespedes, J'ai lu, 2010

8 commentaires
Le 0000-00-00 00:00:00 par SOIT FRANC FRANC SOIT
Merci Amandine pour tes lumières toujours aussi claires.
Le 2014-08-11 20:47:00 par Karla Paslac
Excusez-moi, il y a des mecs qui ont des couilles et qui les gèrent mal. Je pense à ceux qui frappent les femmes et cela arrive plus souvent qu'on ne le croit. A l'instar du cheval hongre qui s'apaise à la castration, ne pourrait-on pas envisager l'ablation des ces lobes inutiles et néfastes (et souvent inesthétiques et encombrants) pour le gent féminine dans bien des circonstances ? En fait, la persistance des couilles devrait s'accompagner d'une éducation irréprochable à l'humanisme essentiel.....sinon, couic, messieurs.....A bons entendeurs....
Le 2014-07-25 10:53:46 par jay cee
me plait beaucoup cet article
Le 2014-07-26 10:39:27 par PascalG.
Les couilles sont aussi les témoins (testicules/testimoniales) de qui advient...
Le 2014-07-31 21:42:28 par sunny
ainsi soit il
Le 2014-08-03 19:27:23 par lincoln
'' qu'il suffit qu'une personne ait le courage de sauter dans le vide pour que tout le groupe se galvanise et plonge dans son sillage.''
Chère Urbaine, vous appelez ca avoir des couilles, moi, j'appelle ca être imbécile.
Le dessin est sublime
Le 2014-08-22 00:15:06 par Animande
Pascale, pour Cespedes les couilles ne sont qu'une métaphore amusante pour parler de la puissance. Or, comme il l'affirme clairement, la puissance n'est pas masculine, elle peut appartenir à tous les individus sans distinction de genre :
(p.85) "Les couilles sonnent bien trop masculin, et c'est bien mal connaître notre manque de sang-froid et d'autonomie que de nous affubler de pareils joyaux. (...) N'est-ce pas dans le fol espoir d'une greffe de couilles que nous subordonnons et brutalisons les femmes, ou que nous fanfaronnons au plus insignifiant signe de succès ?
Préférons par conséquent parler de "puissance" ; là, les femmes peuvent s'y retrouver."
Le 2014-10-28 20:08:18 par Onomatopote
Ah ... ! (entre le soupir et le rot, merci HP) Cespedes "affirme" clairement (apportant de la lumière) que la puissance n'est pas masculine ... merci Vincent, d'oser affirmer, avec un tel courage, avec cette verve, ce que tout le monde sait depuis toujours.

Et bonne chance dans ta quête du livre-philosophique-accessible-qui-se-vendra-bien.

Plein de poutous à lui. :)

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