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Numéro 61 - 07 septembre 2016
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La Chronique Illustrée

(photo Melis Yalvac)

Narcisse, l'autre reflet du barbare ? par Pascale Kral :

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Narcisse, l’autre reflet du barbare ? (Rancinan la suite)

 

« Que le barbare aime à son tour sans pouvoir être aimé » (Ovide, Narcisse in Métamorphoses , livre III)

La figure du barbare moderne évoquée dans la monumentale photographie « Le festin des Barbares » œuvre prophétique de Gérard Rancinan commentée par l’écrivain Caroline Gaudriault, dessine les traits d’un homme sans valeurs, sans passé ni avenir, sans ressentiment, jouissant décomplexés d’un présent consumériste et hédoniste. C’est l’homme actuel par essence, insondablement vide, inconscient de sa propre décadence, évoluant dans un univers dont le sens a été occulté dès l’enfance ou annihilé par le désenchantement d’un monde où l’argent roi, le désastre écologique, la fin du politique, la corruption médiatique ne laissent plus place à aucune improvisation, à aucun idéal. La fantaisie elle-même n’est plus qu’une mise en scène esthétique de stéréotypes récupérés.

« Les gens sont heureux ; ils obtiennent ce qu'ils veulent et ne veulent jamais ce qu'ils ne peuvent obtenir. » Aldous Huxley, Le meilleur des mondes.

Cette barbarie moderne est bien celle qui nous choque, Urbains des villes et des campagnes, et qu’il faut dénoncer avec humour ou de façon ironique pour ne pas tomber dans son piège facile. Mascarade de bonheur, consumérisme à tous les étages, épanouissement obligatoire à grands renfort de psychanalyse, voire de chimie, et de positivisme béat pour accepter ce monde tel qu’il est , le Contemporain est acculé à une parodie de bonheur dans une vie balisée, banalisée, bancale et martiale.

Dans ce tableau sordide si nous n’y prenons garde, surgit Narcisse au premier plan. On songe au tableau de Dali, la Métamorphose de Narcisse, lui aussi commenté par un poème du peintre lui-même, comme si ces tableaux si dénonciateurs de l’âme humaine, ne se suffisaient à eux-mêmes. Pour Dali, le poème est un commentaire nécessaire, pédagogique, tant le sujet lui semble fondamental. Il s’agit du premier poème et du premier tableau issus de l’application de sa méthode paranoïaque critique dont on est en droit de se demander si elle n’est pas issue elle-même d’une certaine forme de narcissisme … mais, bon, passons.

Narcisse vivra de longues années « s'il ne se connaît pas ». Mais le voici qui tombe face à son impénétrable et attirante réalité, après avoir séduit Echo dont il refuse l’amour inconditionnel.

Narcisse conduit à la mort du sujet. Son ignorance de l’autre et sa quête éperdue de bonheur personnel préfigure l’homme actuel dans ce qu’il a de plus méprisant. Car cet être pour exister doit, tout d’abord, être intensément narcissique. Ainsi, s’admirant dans tous les miroirs d’une société de l’illusion pour vérifier sa toute-puissance et la perfection de son image au travers des innombrables outils technologiques mis à sa disposition, et d’une aversion systématique pour le manque et le vide (le fameux fomo, décrit par Sonia Grdovic), il se nourrit d’une autolâtrie sans failles. Tout-puissants, peu ou jamais confrontés aux risques d’une vie authentique mais aussi, souvent, déçu dès l’enfance par le désenchantement d’un univers coercitif, sans réelle fantaisie ni avenir, blessés par l’indifférence générale, les narcisses-barbares fleurissent désespérément autour de nous. N’ayant d’autres alternatives à leur intense détresse, ils n’en sont pas moins destructeurs et stériles. Prenons garde, artistes et hôtes en tous genres, de ne point céder à l’épidémie ambiante. Car Narcisse dépérit et meurt de ne pouvoir assouvir son amour et, après, il est bien avancé, non ?

L’art, pour autant qu’il ne soit pas mercantile, et surgisse d’une réelle nécessité, ramène à l’humilité qui fait progresser, alors que la vanité détruit. L’art comme écho positif aux gesticulations d’une société acculée à elle-même, tournant en rond autour de valeurs discréditées depuis longtemps. L’art en tant qu’ouverture sur l’autre qui nous renvoie la résonance de sa propre perception et, qui sait, se métamorphose lui-même, au contact des œuvres. L’art comme arme ultime contre la barbarie et le narcissisme ?

 

 

Pascale Kral,

aux niçois qui mal y pensent

 

 

 

sur Rancinan : http://www.rancinan.com/2012/ART-RANCINAN/__HOME_1___RANCINAN.html

sur « le Festin des Barbares » : http://www.causeur.fr/le-festin-des-barbares,24563#

sur Caroline Gaudriault : http://www.zigzag-blog.com/

sur le poème de Dali : http://eric-armengaud.over-blog.com/article-13726432.html

et en réflexion complémentaire, la pensée positive des barbares : les artistes nouveaux Vandales http://http://lesarts.lartocrate.com/#post2

2 commentaires
Le 2013-11-21 11:18:47 par sonia grdovic
suite au prochain n° ! Sobriquet !
Le 2013-11-21 03:40:28 par Sobriquet
Cela commence bien mais la fin n'est pas fine.
Numéro : 61 - 60 - 59 - 58 - 57 - 56 - 55 - 54 - 53 - 52 - 51 - 50 - 49 - 48 - 47 - 46 - 45 - 44 - 42 - 40 - 39 - 38 - 37 - 36 - 35 - 34 - 33 - 32 - 31 - 30 - 29 - 28 - 27 - 26 - 25 - 24 - 23 - 22 - 21 - 20 - 19 - 18 - 17 - 16 - 15 - 14 - 13 - 12 - 11 - 9 - 8 - 7 - 6 - 5 - 4 - 3 - 2 - 1 -