
Jean-Sélim Kanaan était un jeune homme de trente ans, bénévole dans des ONG en Somalie et en Bosnie (Médecin du monde et Action contre la faim), puis responsable ONU au Kosovo et à New York. Né en 1970 à Rome, d’un père égyptien de religion gréco-catholique (diplomate de l'ONU) et d'une mère française de religion protestante, il a grandi en Italie, a étudié à Paris, a passé son adolescence à Pékin, diplômé de Harvard ; il a appris de nombreuses langues : italien, français, anglais, espagnol, serbo-croate, un peu de chinois, l'arabe. "Comme un caméléon" il est à la maison dans le monde, mais après sa première aventure humanitaire dans la Somalie mortelle des années 90, il se sent mal à l'aise dans ces deux mondes, celui de la purification ethnique, où le voisin devient violeur et sniper d'enfants et où le danger rôde à chaque coin de rue, comme dans la carrière commandée, semaine en costume sombre et week-end alcool/coke, au palais de Verre de New York.
« Ma guerre à L'indifférence » est son autobiographie, écrite avec la simplicité désenchantée de ce jeune homme qui a choisi, étant le fils d'un diplomate et ayant parcouru le monde et connu les principales langues des régions en crises, l'engagement direct dans les endroits les plus difficiles et dangereux de la planète. Il l'a fait parce qu'il a senti le besoin d'aider les autres de la manière la plus utile, effectuant son service sur le terrain en première main, mais dénonçant en même temps la lenteur exaspérante et les contradictions de l'ONU qui selon lui devrait se réformer profondément.
“Aux yeux des populations, l’ONU reste porteuse d’un certain idéal et représente souvent le dernier espoir.. Dans un conflit, on appelle toujours en dernier recours l’ONU. Il faut se rendre à l’évidence: ce salon de thé mondial, forum des diplomates et des fonctionnaires est devenu par la force des choses un service d’urgences pour le monde entier et miracle, parfois ça marche (Kosovo, Guatemala, Timor-Oriental…). Mais un certain nombre de bavures récentes de l’ONU sont impardonnables.”
“Aujourd’hui l’ONU manque d’humilité et d’humanisme, tout simplement. Pour moi, c’est un bel idéal qui s’écrase… il faut combattre la sclérose de ce système élitiste qui s’autosatisfait. Moi j’ai choisi de le faire de l’intérieur… je sais qu’un jour je reviendrai, un peu comme Ulysse, dans la ville où je suis né. Mais d’ici là, il me reste beaucoup de chemin à parcourir : arrivé à ce que je croyais être le bout de la course, je constate, en écrivant ce livre, que je ne suis qu’au début.”
Le 19 Août 2003, à Bagdad, un camion-bombe conduit par un kamikaze fonce contre l'Hôtel Canal, la maison de l'ONU, 23 morts : dont Sergio Vieira de Mello, l'envoyé spécial du Brésil de l'ONU, le meilleur candidat pour succéder à Kofi Annan. Rick Cooper est mort, le meilleur arabisant des Nations Unies, et Nadia Younès, ancien porte-parole de l'ONU. Parmi les victimes non spécifiées par les journaux il y avait aussi un fonctionnaire de seulement 33 ans, Jean-Sélim Kanaan.
Il s’appellait Jean, il s’appellait Sélim, et il est mort à la charnière de ces cultures qui se combattent et qu’il voulait de toutes ses forces réconcilier.
N'oublions pas.
Gianni Marsiglia, aux Urbains de Minuit
Si le journal vous plait, donnez-nous un coup de pouce, partagez sur FaceBook, c’est en haut à droite de chaque article… Et rejoignez-nous sur la page FB « les UdM» !