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Numéro 61 - 07 septembre 2016
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Abécédaire des Urbains : lettre R pour Religion

(photo : http://www.harakiri-choron.com/)

 
Abécédaire des Urbains : lettre R pour Religion

donc je disais quoi déjà ah oui

 

De la différence entre "réflexe" (repli sur soi) et "réflexion" (retour sur soi).

 

Qu'est-ce que la religion ? L'étymologie du mot est discutée : il peut s'agir de relegere signifiant « relire » ou religare signifiant « relier ». Personne n'a jamais tranché. Dans un cas comme dans l'autre, il s'agit d'un sens ouvert. Relire, c'est intérioriser et/ou réinterpréter des textes et/ou des rites. Relier c'est faire du lien, entre soi et un/des dieu(x),  entre soi et les autres. La religion, comme lien, ou comme relecture, fait partie des sociétés humaines depuis que l'homme est homme, c'est à dire depuis qu'il crée, donc depuis qu'il est l'équivalent des dieux qu'il a fabriqués à son image... Selon ces deux étymologies, un religieux est un homme qui, par delà sa foi ou sa croyance, relit et relie le tout qui l'entoure.

Rien jusque là qui ne détruise dans ce mot, rien qui coupe, éloigne ou empêche. 

Au 1er siècle avant JC,  Ciceron emploie le mot "religione" (de religio, onis ) pour parler d'un ensemble d'observances liées au culte des dieux  Ceux qui, des journées entières, adressaient des prières aux dieux et leur immolaient des victimes pour que leurs enfants leur survécussent (superstites essent) on les a qualifiés de superstitieux (superstitiosi) ; ce mot a pris plus tard un sens plus étendu. Ceux qui en revanche s’appliquaient avec diligence au culte des dieux, en le reprenant et en le relisant, méritaient le qualificatif de religieux, qui vient de relire (religiosi ex relegendo) Nota Bene : Le mot superstition a pour étymologie superstes : survivant. Le rite pour ne pas mourir. Ce mot frôle la peur panique.  Or, relire/relier ne se préoccuppe pas de la mort. N'intégrant pas la dimension de mort dans son étymologie, la religion n'y est pas aliénée. Ainsi, le calme intérieur est nécessaire, déjà du point de vue romain, pour s'appliquer au religieux.

De quelque coté que l'on enquête sur le sens de ce mot, nous retrouvons le même contenu. La religion permet d'être à soi, ensemble, avec dieu ou même sans dieu, car, toujours étymologiquement parlant, l'humanisme peut être pensé comme une religion. La religion constitue la sphère générale où l'homme prend connaissance de la seule totalité concrète dans laquelle se trouvent unies, et sa propre essence et celle de la nature. (Hegel. Esthétique 150). Selon l'entendement grec, l'humaniste est celui  qui comprend les lois de la nature et les lois de la cité. Les rites initiatiques (religieux) d’Eleusis sont très proches de cette conception de la sagesse et mettaient en oeuvre les moyens d’acquérir la connaissance des mystères.

Où commencent donc les emmerdements avec ce mot ? Le problème, c'est le fait de croire à, en, aux, en ajoutant au mot dieu, ou au mot  système (roi, empereur, capitalisme, communisme...) l'adjectif : unique, et exclusif, ce qui a tendance à induire l'idée de vérité, donc d'erreur de la part de l'autre. La religion est le lieu où un peuple se définit à lui-même ce qu'il considère comme la vérité. (Hegel Ph de l'histoire p48). Et qui dit détenir la  vérité fait de l'idéologie"Le mot religion, dans son sens moderne,  a commencé à être employé au tournant des XVième et XVIième siècles pour désigner les confessions religieuses ou Églises s'opposant les unes aux autres dans le mouvement des réformes religieuses. Le terme religion sert depuis à désigner « des religions », c'est-à-dire des ordres réputés distincts et inconciliables dans lesquels est recommandé ce qu'il faut faire et ce en quoi il faut croire, et c'est le plus souvent en fonction de ce que sont ces religions que l'on cherche à comprendre ce qu'est la religion. Les réalités que l'on appelle aujourd'hui « religions » n'ayant jamais été conçues ni désignées comme telles avant la fin du XVième siècle, il est douteux que l'on puisse trouver dans des textes latins de l'Antiquité une signification du terme religion directement applicable à ce qui s'appelle aujourd'hui religion." (in Wikipedia)

Et c'est tout l'intéret de notre réflexion : le fait religieux est bien plus ancien que le mot qui le désigne, et l'entendement de ce mot  varie selon ce qu'il représente, rite, croyance, superstition, foi, spiritualité ou idéologie.

Ne désirant que pointer cette faille dans la langue et dans le concept, et insérer du doute dans tous ceux qui réduisent la religion à de la stricte idéologie, de quel côté qu'ils soient de la barrière, j'écris pour que la religion puisse conserver au delà de la tourmente dans laquelle nous plongent ceux qui se revendiquent d'elle, à des fins sanguinaires et totalitaires, son essence d'étude calme, de lien à l'autre,  de production de beauté et de pensée, de spiritualité ; ce que cette République laïque et cette Eglise catholique (complètement compatibles lorsqu'elles donnent la "priorité à ce qui nous unit plutôt qu’à ce qui nous distingue" selon l'expression d'Elisabeth Badinter), à l'intérieur desquelles j'ai grandi, m'ont permis de devenir, et cela doit bien être possible pour tous...

Laquelle ne terminera pas  sans citer un  W.T Fearn pamphlétaire :

"Autant je respecte (et presqu'épouse) l'agnosticisme, autant je considère l'athéisme comme le parangon de la stupidité, et je pèse mon mot. En la matière, celui qui dit qu'il ne sait pas fait déjà montre d'une certaine sagesse, celui qui dit qu'il sait est un crétin prétentieux, une brebis égarée, celui qui croit doit être respecté, si du moins il n'impose pas sa foi et ses usages à ses contemporains, et ne leur casse pas les pieds."  W. T. Fearn, in "Mental paraphernalia"

 

Sonia Grdovic, aux Urbains de Minuit

 

 

 

3 commentaires
Le 0000-00-00 00:00:00 par Narki Nal
Ma chère Sonia, "joli" article. Tout bien... sauf la citation finale. Laisse moi être athée sans être le parangon de la stupidité. Athée sans athéisme. Ah, ces terribles mots en isme. Laisse moi être athée sans idéologie, athée tranquille sans "croisade"(!), athée sans partir à la guerre... Mais, en revanche, qu'on arrête de me la faire la guerre, qu'on arrête de "vouloir me brûler", qu'on arrête de polluer mon espace vital de tout ce fatras de bêtises, d'inepties, qu'on arrête cet impérialisme de pensée. Je ne cherche aucune "conversion", je vis sans l'aide de vos dieux tant bien que mal, vivez avec tous les vôtres, mieux que moi, en confidence avec eux, avec discrétion et intimité. MAIS LÂCHEZ-MOI la grappe! Bises.
Le 0000-00-00 00:00:00 par sonia
certes - juste pourquoi l'athéisme serait il épargné du pamphlet ?tout le monde est servi dans ce n° spécial, comme tu le vois... bise Narki
Le 0000-00-00 00:00:00 par Eric Sobrique
Mon ressenti du mot "religion" a évolué peu à peu vers le rejet, et ces derniers temps même vers le dégoût. Je lis ce texte et découvre l'étymologie qui y est décrite. Mais cela ne change rien. Pour moi ce mot a été définitivement salit (tainted en anglais) et malheureusement ceux qui le pratique avec...
Par contre,et c'est curieux,le mot "religieux" reste pour moi ce receptoire de douce quiétude, la marque du religieux reste associée à ces moments d'émerveillement ou le compréhension innée, celle qui confine à la révélation, semble soudain (encore) possible. Le religieux se sont des lieux, de la musique,des senteurs.....mais jamais des mots, et encore moins ces êtres qui se disent porteurs de paroles.
Le religieux,c'est une émotion qui monte vers un infini dont nous sommes issus.
La religion ce sont des regles,des lois...ce sont les accessoires d'un pouvoir qui n'a rien de divin......
Eric Scarfone
Numéro : 50 -