(photo : Gustave Doré, "Joyeuseté" 1883)

"L'intelligence, c'est apprendre à résister"

Olivier Houdé, chercheur au CNRS et enseignant, a publié en septembre 2014 aux éditions Le Pommier "Apprendre à résister".

http://www.editions-lepommier.fr/ouvrage.asp?IDLivre=688

Il y explique comment le cerveau peut être exercé à solliciter une autre zone que celle de l'automatisme, pour élargir, dès le plus jeune âge, la capacité de décision. Développer la résistance cognitive, c'est développer sa capacité d'autocritique, tout petit déjà : car ainsi se forme la zone du cerveau habilitée à cette fonction (source imagerie cérébrale).

"Il faut entraîner le cerveau à résister aux automatismes de pensée". Non pas anihiler l'automatisme bien sûr, mais être capable de passer de l'un à l'autre, de l'automatisme à l'analyse, d'une zone du cerveau à une autre - développer ainsi plusieurs modes d'intelligence : c'est ce qu'on appelle la flexibilite cérébrale, qui s'exerce certes avec de la souplesse mais aussi avec le développement de l'inhibition. 

Selon Olivier Houdé, et probablement l'ensemble de la Recherche sur le sujet aujourd'hui, il y a trois systèmes cognitifs dans le cerveau. "L’un est rapide, automatique et intuitif (le Système 1). L’autre est plus lent, logique et réfléchi (le Système 2). Un troisième système, sous-tendu par le cortex préfrontal, permet l’arbitrage, au cas par cas, entre les deux premiers. C’est ce Système 3 qui assure l’inhibition des automatismes de pensée (issus du Système 1) quand l’application de la logique (Système 2) est nécessaire". 

Vous vous souvenez de l'histoire ? Qu'est-ce qui est le plus lourd : un kg de plumes ou un kg de plomb ? Voilà, vous appuyez à mort sur le champignon  de votre cortex préfrontal pour inhiber la première connerie qui vous vient à l'esprit, générée par votre automatisme : le kg de plomb. Bravo : vous avez résisté à vous-même. Ce qui, dans ce cas cognitif simple, est recommandé.

And so what ?

Le fait de savoir que ce fameux kg de plomb pèse autant que ce pesant kg de plumes va me permettre la mise en place de stratégies complexes et adaptées, on peut le souhaiter, durant ma vie. 

Bien.

Aurais-je pour autant fait le tour des systèmes cognitifs de mon cerveau, de mon environnement, de mon action sur mon environnement et réciproquement ?

Non. Car limiter son cerveau, ne serait-ce qu'à trois systèmes cognitifs rendus visibles par l'imagerie médicale, est trop court.

N'étant ni une scientifique, ni une enfant, ni même une adulte  soumise à.... pas grand chose en fait.... - mais c'est un autre sujet -  bref, depuis longtemps  je ne suis  plus soumise au choix binaire de la performance scolaire : erreur/réussite. Mais étant artiste je peux, tout comme mes confrères, exciter mes trois niveaux cognitifs pour vous rendre réel le kilo de plumes léger comme une seule. Je peux également avoir une intuition fulgurante qui cristallise tous les champs possibles de mon action, et agir. Je peux aussi prendre des décisions judicieuses en fonction de mes rêves. Tout ceci nécessite un grand et long apprentissage de zones du cerveau invisibles à l'imagerie médicale, mais dont je fais l'expérience et que je développe, hors des modes d'apprentissages standards binaires. Cet apprentissage de la connaissance par l'inconscient (pas l'intuition de Piaget, mais l'inconscient de Jung, Freud...) demande encore une fois un grand travail, de longues études, des recherches, des échanges avec ses pairs (et mères), une bonne santé mentale donc un bon analyste, et des expériences empiriques, toujours réussies, car ce champ de connaissance n'est point moral : ici pas de gentil ni de méchant, pas de jugement, de la réussite ou de l'échec mais du connu ou de l'inconnu, du compris ou de l'incompris. 

Le but est toujours le même : déconstruire l'automatisme.

Déconstruction ? Hop je sors mon Derrida. Non je plaisante, je n'ai pas ce savoir. Je lis Wikipédia : "L’écriture de J.Derrida est redevable des recherches sur le langage de S. Freud. Celui-ci faisait parler ses patients afin de trouver les indices qui révèlent les origines de leurs troubles profondément enterrés dans leur inconscient. Dans la déconstruction, il a appliqué cette méthode d’analyse et d’interprétation du discours aux textes philosophiques pour faire ressortir les idées réprimées, les sujets évités, qui auraient pu contredire la cohérence du discours de l’auteur. Sous les arguments lisses et bien construits, il cherche dans les figures de rhétorique et les sujets évités, à montrer qu’aucune théorie n’est absolument cohérente, logique ou entière". Il s’agit donc d’une technique qui vise à recomposer des œuvres littéraires, mais délivrées de l’emprise de l’auteur, selon une autre règle du jeu que celle qui les a initialement produites.

Il me suffit pour l'instant d'en avoir cette information : que des penseurs (philosophes, scientifiques, poètes, artistes, thérapeutes,  rêveurs...) tout comme moi, vous, nous, déconstruisent pour exister de manière ouverte, ça n'est pas une mince affaire, et qu'il est formidable que chacun s'y attelle, selon sa spécialité. Le but étant ainsi de construire, autrement, autre chose, d'unique à chacun, et tout à la fois commun à l'humanité tout simplement.  

Sonia Grdovic, aux Urbains de Minuit