Conatus signifie littéralement "effort". Oui je sais c'est dissuasif. Mais laissez moi vous en parler et vous convaincre de l'importance de ce mot.

Créer un Festival sauvage d'arts interdisciplinaires, sans subvention, sans institution, sous sa forme festive conviviale et joyeuse,  à Nice, est un exemple magistral d'exercice de la liberté. En en étant la créatrice et la programmatrice, je me sens à même de vous parler de ceci, qui n'est pas une expérience : c'est au delà du travail, un effort continu. Grâce à cet effort les Urbains et ce Festival existent. Et c'est bien.

Pour cela je choisis l'axe a posteriori découvert, du conatus de Spinoza. Car l'esprit est un des chemins qui mène à l'action, et l'action mène à la philosophie.

La réalisation d'une action "qui existe réellement et absolument", la réalisation d'un mouvement général complexe, nécessite de poser  un geste après l'autre. Un peu comme faire un bouquet de fleurs et de feuilles des champs, une tige après l'autre (ça peut être des narcisses...), comme faire un pas de danse ou des katas : posés chacun très précisement ils permettent des séquences articulées, des accélérations maitrisées et une belle amplitude. La discipline du corps, de la matière, est un des chemins qui mène à l'action, et l'action nécessite une discipline physique.

Ce travail du corps et de l'esprit vers la maîtrise du mouvement, de tout mouvement, du plus simple au plus complexe, seul apporte liberté, création, et  jubilation. Le "conatus" c'est ce "un pas après l'autre" (qui reste encore la meilleure façon de marcher). C'est une stratégie dynamique et c'est aussi une persévérance,  d'où la jubilation d'être.

Les Urbains de Minuit ont la passion grave, exigente et sérieuse certe, mais profondément joyeuse, faite de  rencontres. Ce que nous inventons  est surtout  le prétexte pour organiser ces rencontres,  bonnes, heureuses, passionnées et passionnelles certe,  mais toujours créatrices. Ainsi nous jouons un rôle de moteur collectif : c'est à dire que l'ensemble des systèmes culturels spécifiques de cette ville (chaque hôte, chaque artiste, chaque être désirant et curieux)  mis en réseau et en résonnance l' un avec l' autre au moment de ce Festival fabrique une dynamique urbaine nouvelle, qui est la manifestation du conatus.

Nous recherchons à fabriquer à nouveau des situations heureuses pour renouveler ce sentiment de liberté, et en même temps, l'accroître.

Donc nous recommençons, et nous recommencerons. Ceci n'est pas une promesse. C'est une conséquence. CQFD.

Sonia Grdovic, aux Urbains de Minuit et de midi