La mauvaise réputation de la colère remonte à la plus haute antiquité : des stoïciens à la tradition chrétienne, il s'est toujours trouvé plus pertinent d'avoir des peuples soumis, doux comme des agneaux (christiques), que des furies vengeresses (à l'instar des Erinyes, les filles d'Ouranos et Gaïa insoumises, même à Zeus).

La colère est en occident un péché capital, c'est à dire qu'il en entraine d'autres. Dans le bouddhisme idem. On peut se questionner sérieusement sur les stratégies de ces civilisations qui interdisent, punissent, mortifient la colère, la faisant passer de juste (car liée tout de même à Nemesis) à aveugle, la laissant au seul domaine des dieux en en privant les hommes.

Pour comprendre cette unanime stratégie politico/religieuse, observons un homme, ou une femme en colère : son corps se met en capacité d'agir, augmentation de l'activité cardio-respiratoire,  respiration ample et rapide, hausse involontaire du volume sonore lors  de la parole, contraction involontaire du corps dans son ensemble et en particulier des mains, qui tendent a à se fermer en poing ainsi que du visage dont les sourcils se froncent, les mâchoires se serrent, manifestement une physiologie en proie à une émotion dépassée par l'adrénaline. L'individu devient soudain   fort peu conciliant et manipulable.

Oui les hommes portent, comme les plus anciens des dieux qu'ils ont créé, la colère en eux. 

Je me/nous la souhaite. Car sans colère il n'y a pas de détermination, pas d'action, pas de justice, pas de conversion. Elle doit "simplement" être régulée, c'est à dire  s'exercer au bon moment, avec la bonne intensité, contre la bonne personne, pour les bonnes raisons.

Pas l'indignation, pas la rage, pas la haine, pas même l'animosité de Spinoza :  la colère, oui.

C'est peut être la  raison essentielle qui me fait continuer à aimer Jesus des évangiles : sa très grosse colère  dans le Temple de Jerusalem, contre les marchands. C'était Dieu me diront certain. CQFD.

De la colère de l'homme Et du dieu, je prends les deux, sans barguigner.

Sonia Grdovic, aux Urbains de Minuit, et de midi