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Numéro 61 - 07 septembre 2016
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La sociologie est encore un sport de combat : conversation avec Mathieu Grégoire

(dessin extrait de "Tas de riches" de Tignous, Editions Denoël 1999)

 

Mathieu Grégoire est  enseignant-chercheur à l’université de Picardie, maître de conférences en sociologie, et auteur de "Un siècle d’intermittence et d’émancipation (1919-2007)"  : ou comment un universitaire s'engage sur le terrain social et choisit son camps, clairement celui des intermittents et des précaires.

Le sujet, brûlant d'actualité en ce printemps 2014, est la nouvelle convention de l'Unedic ("économies/max d'économies"), en attente de ratification par l'Etat, et particulièrement au sein de celle-ci le régime des intermittents.

Je ne vais pas vous refaire le détail de l'austère et complexe régime d'indemnisation chômage des intermittents vous l'avez dans ce lien :

http://www.franceinfo.fr/economie/regime-des-intermittents-ce-que-le-nouvel-accord-va-changer-1359755-2014-03-22

Mais je vais tenter de comprendre, à l'aide de Mathieu Grégoire, en quoi l'atteinte à ces droits d'intermittents, que je ne touche pas, me concerne moi et tant d'autres artistes qui ne sont pas intermittents  (ni rien  d'ailleurs, invisibles sur les radars des droits, statuts et autres régimes.....), et tant d'autres qui ne sont même pas artistes, et parfois, c'est fou, même pas chômeurs.

¤ Tout d'abord heu l'Unedic.... 

L’Unedic, organisme gestionnaire de l’assurance chômage, est une association loi 1901 qui est présidée en alternance tous les deux ans par le patronat ou le salariat. Depuis janvier 2014 la présidence est CFDT, donc salariat, et la vice présidence Medef, donc patronat http://www.unedic.org/article/le-bureau-de-l-unedic. Bien sûr tout ce monde a un but commun : que l'UNEDIC fasse des économies, 400 millions d'euros selon cette nouvelle convention chômage du 23 mars 2014 en attente de ratification. Mais visiblement le Medef n'aime pas les intermittents. En effet dans un précédent communiqué, le Medef s’était félicité d’un « début de refonte du régime des intermittents pour aller vers plus d’équité entre les différents demandeurs d’emplois ». Bref selon le Medef certains précaires seraient privilégiés : ça coûte des sous, cela doit cesser. Et quand les patrons parlent d'équité entre les sans emplois, c'est le moment d'avoir peur.

1er constat : merci les intermittents qui tiennent tête au Medef, et merci Mathieu Grégoire, j'ai compris 

¤ L'Etat, présentement socialiste, qui va ratifier la convention, qu'en dit -il ? Mathieu Grégoire nous dit, que "depuis 2002, c’est 
la doctrine de « refondation sociale » prônée par le Medef 
de « non-ingérence de l’État 
dans les affaires paritaires » 
qui a prévalu ; nous verrons quel choix fera le gouvernement Ayrault".

2eme constat : l'Etat ne se mêle plus de la nouvelle société que fabrique le Medef, merci Mathieu.

¤ Quelle société veut donc le Medef ? Par déduction, en observant de quoi le régime des intermittents est porteur, nous pouvons comprendre ce dont le Medef ne veut pas. "Les intermittents constituent une fâcheuse réussite   
de « flexisécurité », notion danoise de l'emploi" (M.G.) axée sur :

  • une grande flexibilité du marché du travail, avec des règles de licenciement souples,
  • un système d’indemnisation généreux des salariés en situation de chômage

La France déploie  hélas cette notion sur son versant néolibéral avec des politiques actives visant à éviter le chômage de longue durée et à contrôler la disponibilité et la motivation des chômeurs : "c'est une pensée de l'individu employable, donc formé à avoir un emploi ; dans cette logique si le plein emploi n'existe pas c'est parce que les individus n'en  sont pas capables ; l'Etat doit donc les former et les reformer pour les déployer sur de nouveaux secteurs" (M.G.).

Quelle société va façonner cette nouvelle convention Unédic à son entrée en vigueur le 1er juillet 2014 ? "Elle va encourager l'emploi avec des petits bonus, ou droits rechargeables, mais qui ne permettent pas/plus la précarité durable car les droits s'effondreront encore plus vite qu'aujourd'hui. Elle va affaiblir les fragiles. Ce qui em.....e le Medef c'est que les gens s'installent dans la précarité" (MG).

Constat encore : le Medef donc le patronat veut le beurre (le salariat flexible) et l'argent du beurre (que ça ne lui coûte rien en terme de participation à l'indemnisation sociale). La réussite de la flexisécurité des intermittents, unique en Europe, est une insulte à l'idéologie comme à l'économie selon le Medef, merci Mathieu Grégoire, comme ça c'est clair.

"L'enjeu, à travers la lutte des intermittents pour la sauvegarde de leur propre régime, est non seulement une réaction politique et sociale pour son maintien mais aussi sur ce modèle, pour la création d'un régime décent  d'indemnisation des précaires et des plus flexibles, c'est à dire pour la plus grande part de la société occidentale dans un très proche avenir." (M.G.) C'est pour cet enjeu que Mathieu Grégoire met son analyse dans la balance des différents colloques et manifestations. 

Il souligne une autre perspective fort réaliste, qui a parcouru toute cette conversation : "la possibilité d'une lutte commune à tous les travailleurs intellectuels précaires,  qui a déjà eu lieu en 1920 avec la Confédération syndicale des Travailleurs Intellectuels : après 1945, son activité a été plus discrète, mais elle a continué  jusque dans les années 1980. C'est aujourd'hui un échec."

Et puis en journaliste consciencieuse et honnête, je vous livre, amis Urbains le début de cette conversation "On m'a dit qu'il n'y a pas d'adjoint à la culture à Nice, c'est dingue. Et en effet il y a peu d'artistes intermittents ici, mais essentiellement des techniciens du spectacle, pour de l'évènementiel....ce qui est bien le symptôme d'une absence de politique culturelle locale...." (M.G.)

http://www.nice.fr/Collectivites/La-municipalite/Le-Conseil-Municipal/Composition

 

Merci beaucoup Mathieu Grégoire, et heureuse de ce passage à Nice, vraiment

 

Sonia Grdovic, aux niçois qui mal y pensent

 

Pour découvrir un peu plus Mathieu Grégoire, cet homme au langage si clair, voici :

http://www.decitre.fr/livres/les-intermittents-du-spectacle-9782843032455.html

 

Agenda

 

le 3 mai, 15h, Théâtre National de Nice, salle Michel Simon

conférence « Les intermittents du spectacle, enjeux des luttes d’hier et d’aujourd’hui » avec Mathieu Grégoire

(remerciements à Aurélie Peglion qui a permis cette rencontre)

 

bonus track, ce documentaire de Pierre Carles 

 

 

 

 

 

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