Les Urbains de Minuit se revendiquent "artistes contemporains since 1924". Même écrit en petits caractères, ceci n'est pas un détail.
Nous aurions pu choisir 1916, quand plusieurs artistes européens se sont réunis à Zurich pour l'inauguration du Cabaret Voltaire. Parmi eux, Tristan Tzara. Mais ils étaient les enfants perdus de la guerre. Peu de gens peuvent se revendiquer d'une telle tragédie (et nous n'y tenons surtout pas). Ils sont nos grands frères malheureux.
Bien sûr on peut chipoter que le passé n'est pas contemporain. J'oppose que lorsque ce qu'il transporte est toujours présent, oui. Le surréalisme est contemporain.
1924 : premier manifeste Surréaliste. Il s'agit pour Breton et pour ceux qu'il a marqué de son empreinte, dont moi, de "remonter aux sources de l'imagination poétique, et de s'y tenir". Ce n'est pas ce qu'il prétend avoir fait. Mais c'est le chemin qu'il nous indique.
C'est donc le chemin des rêves, de l'enfance, des rêves d'enfance, de la folie pour les plus fragiles, la possibilité de maintenir son esprit dans le dispositif créatif le moins determiné possible, malgrè les menaces qui s'accumulent, particulièrement celle du besoin pratique, de l'utile. Ils opposent à cette société une éthique du jeu, au rebours de l’aliénation par le travail. A l’idée de travail, ils préfèrent le concept de création, faire l’éloge des désirs et des passions, réhabiliter l’imagination, l’instinct et l’amour fou.
La démarche surréaliste est en soi politique, de l'anarchie au communisme pour retourner à l'anarchie, leur volonté de transformer le monde et de changer la vie n’est pas un placage artificiel sur un mouvement littéraire et artistique. C'est cette sincérité dans les buts et les moyens qui continue à porter les esprits tranchés, conscients de leur "éternelle approximation" (Tzara, in "L'homme approximatif") qui disent avec Breton : "le merveilleux est toujours beau, n'importe quel merveilleux est beau, il n'y a même que le merveilleux qui soit beau".
Et le Cabaret Voltaire des grands frères revivra ! à Nice ! on le jure croix de bois croix de fer.
Sonia Grdovic, aux Urbains de minuit et de midi
le 02/12/2013
ndlr : et le Cabaret revit à Nice, parole tenue
