"A chacun sa forme de prière les miennes s'envolent avec les crayons. Nice ma ville, l'aigle doit-être bien occupé aujourd'hui à accompagner les anges de la baie, là où ils vont aller. Nice ma belle, Nice la vive, la festive, la multiculturelle, l'animal de pouvoir qui trône sur tes montagnes, je le vois d'en dessous, puissant, il ne ploiera pas."
Ces mots je les avais écrits le lendemain de l'attentat du 14 Juillet 2016 à Nice. J'avais dessiné cet aigle comme pour imager un esprit guide psychopompe qui guiderait les âmes des victimes là où elles désiraient aller. Dans le paradis qu'elles auraient choisi. C'est important pour moi de penser que, quelque soit sa religion, l'on va dans le paradis espéré, celui qui existe pour soi.
Dans les cultures chamaniques, les mondes se cartographient sur trois étages, imbriqués les uns dans les autre. Le monde d'en haut, le monde du milieu et le monde d'en bas. Dans le monde d'en haut on y croise des divinités, des esprits plein d'amours, éternels. Le monde du milieu est le notre, soumis à la temporalité et à l'éphémérité de toutes choses matérielles, on y croise les esprits ethnocentriques et les âmes s'incarnent dans la matière pour apprendre. Et dans le monde d'en bas, comme dans le monde d'en haut, on y rencontre des esprits éternels mais aussi son animal de pouvoir, un esprit totem qui devient un véhicule pour nous guider dans ces trois mondes et tous les autres. Il nous aide à rencontrer les autres esprits-guides qui partageront notre route et nous aideront dans toutes les actions que nous mènerons. Il peut y avoir un esprit-guide pour chaque chose, pour le soin, pour l'art, pour le psychopompe ... etc ...
L'animal psychopompe est un esprit guide qui nous aide dans le travail d'élévation des âmes des défunts, pour les emmener là où ils doivent aller, vers la lumière, le grand tout, vers ce que d'autres appellent Dieu. C'est pareil finalement ... Dans les trois religions abrahamiques, le judaïsme, la chrétienneté et l'islam, le monde d'en haut est comme le paradis, le monde du milieu reste le notre et le monde d'en bas est devenu l'enfer, dans une volonté manichéenne de séparer le bien du mal.
L'aigle de Nice, je l'ai vu comme l'animal de pouvoir de la ville, esprit guide psychopompe, grand, ancré dans la terre, serres dans les montagnes, tête dans les cieux, il fait le lien entre le haut et le bas. Tel une cheminée cosmo-tellurique il montre la voie, donne l'accès, transcende la matière en spirituel. Voilà, c'était ma prière à moi. Une façon de croire que la vie ne s'arrête pas au terrestre et qu'un autre voyage est prévu, loin de la douleur, loin de la matière. Et que la seule façon de s'élèver, c'est par l'amour.
L'amour guide tous les anges de la baie là où ils doivent aller. Chaque bougie, chaque fleur, chaque dessin, chaque mot, chaque intention, permet aux âmes de trouver leurs chemins. Chaque personne présente pour prier, penser, aimer, a fait et continue à faire un travail de psychopompe magnifique.
Et s'il y a un sort que je vois pour l'homme (que je ne nommerai pas, il n'est pas martyre pour moi) qui a fait le choix de tuer 86 personnes ce jour là, c'est qu'il reste ancré dans le bitume, prisonnier de la matière et de la douleur, condamné et enchainé à l'endroit où les niçois ont craché et jeté leurs détritus. Là où ils ont abandonné leur colère pour sceller à tout jamais dans le goudron l'esprit de cet être impardonnable. Je doute qu'il est un jour assez de compassion pour libérer cette âme du béton. En tout cas, moi je n'en ai pas pour elle.
Nydenlafée - Laetitia Combe - Fée Urbaine
