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Numéro 61 - 07 septembre 2016
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Flash

 
Soirée électorale et premier tour des régionales, je pense que le FN a toutes ses chances ce soir. J’ai même failli écrire : le FN aura tous ces gens, ce soir.
Je m’installe tranquillement sur mon canapé et je me dis que revoir pour la millième fois Flashdance me fera du bien. J’ai toujours adoré ce film et c’est très curieux parce que quand on pratique un peu la danse, on sait éperdument que ce film est trop débile vu que les scènes d’échauffement ressemblent plutôt à de la gymnastique voire de l’aérobic style « Véronique et Davina » ou l’autre conne de Jane Fonda.  Bref, le truc qui n’a rien à voir avec de la danse.  En plus tu vois la nana, elle est soudeuse et elle saurait exactement comment se placer pour faire des prouesses techniques qu’elle n’a apprises nulle part : autodidacte soin disant.  Ben tiens. Alors que toi à 40 ans, ça fait plus de vingt ans que tu pratiques et t’as encore du mal à savoir si ta hanche est bien pliée , si ton sacrum ne se barre pas à chaque fois que tu fais un levé de jambe sans parler de placer tes fibres musculaires dans le sol ou vers le ciel selon que tu pratiques du jazz ou du classique sur pointes.
Regarder et aimer Flashdance, c’est finalement pas trop loin de l’acte électoral ; croire plus ou moins dans des discours qui n’ont jamais rien à voir avec la réalité.
Alors on va me rétorquer : ah  non, regarde, les gens votent FN parce que finalement ils ne croient plus ni en la gauche ni en la droite. Ben alors, ils croient au FN. C’est peut-être bien pire.
Demain, tout le monde va encore être sous le choc. Ca va s’engueuler sur les réseaux sociaux, on ne va pratiquement plus parler de l’état d’urgence. Encore moins des attentats du 13 nov. L’autre fois j’ai entendu qu'y’avait eu un appel au crime contre les enseignants. Moi-même Maitre de conférences, j’ai commencé quand même à flipper un peu pour ma poire. Je me suis même demandée si cela concernait les enseignants du supérieur. Quand on voit ce qui est arrivé en Afrique, je peux avoir peur. Je suis donc allée me balader sur le site de l’enseignement et de la recherche , un peu partout sur le net, pour voir si on avait mis des dispositifs spéciaux genre  gilets par balle ou des militaires comme devant les écoles juives etc. J’ai rien trouvé. Je me suis même demandée si j’étais la seule à avoir vu ce truc. Alors je me suis dit : bon ils doivent attendre les élections... Et je me suis concentrée sur mon film.
Putain Flashdance ! les mecs du jury à la fin qui fument des clopes, les guêtres, la musique années 80, les filles trop vintages et trop classes, les 100 tours dans la pirouette pour finir sur le saut de l'ange... En cette soirée électorale ça me laisse toute perplexe. Je me rappelle ce film je l’ai vu pour la première fois au TMG (théâtre municipal de Gagny dans le 93). Je ne sais plus quel âge j’avais... entre 10 et 12 ans. Je me rappelle les gars de la cité assis devant nous. Tout le monde était venu le voir ce film. Y en a un à la fin du film qui s’est retourné vers moi et qui m’a dit : putain c'est naze.  Ces mecs là c’était les caïds du collège, on les connaissait. N’empêche il est resté jusqu’à la fin... A la fin du film on a tous applaudi même les types qui n’avaient pas payé leurs billets.  Alors je repense à cette époque ; si on m’avait dit ce que j’allais vivre une trentaine d’années plus tard : cette division, les attentats, les menaces, les votes, les Français, je ne l'aurais jamais cru. 
Il y a un an je suis allée dans l’usine d’une très grande société dans laquelle je suivais un étudiant en apprentissage. On m’a fait visiter l’usine. J’étais avec le boss, et les ouvriers me regardaient avec un peu de méfiance en se demandant qui je pouvais bien être. Au détour d’un atelier, je suis tombée nez à nez avec un des types de la cité qui était devant moi dans le cinéma. Il m’a reconnue tout de suite « oh Francesca ». Ça lui a échappé. Je ne me suis même pas rappelée de son nom. Ce type avait eu plein d’ennuis avec la justice. En banlieue  c’était souvent comme ça pour ces gamins-là. Il avait déjà ces cheveux tout gris  et je me sentais mal à l’aise d’être là… quelquepart. J’étais émue aussi, je me sentais conne d’avoir oublié son nom.
Si on y pense finalement, le FN c’est le tapis rouge de la droite républicaine. Et je pense que ça ne fait qu’entretenir un état ultra capitaliste, renforcé par un régime sécuritaire. La peur , le repli, l’individualisme. On tourne toujours en rond. Et bien entendu c’est  comme un air de déjà-vu. On parle de démocratie, finalement, tu crois choisir : mais tu choisis que dalle. Un jour, ce serait bien d'arrêter de donner aux hyènes l'étoffe des lions. Ceci étant, une autre chose que je trouve vraiment naze par contre ce sont certaines chroniques sur France Inter, pour ne pas la citer,  qui se foutent de la gueule des votants du FN. Il faudrait comprendre  que ce n'est pas en stigmatisant des personnes qui représentent aussi les français, en se foutant de leurs gueules, que cela permettra d’avoir des gens unifiés.
Oui les bobos parisiens sont puants. Je connais des professeurs universitaires (pas tous) qui prônent l’égalité et qui se chient dessus lorsque leurs mômes du bon côté du 17ème sont affectés dans un collège dans le quartier des Batignolles. Le rôle de l’élite intellectuelle si elle existe encore c’est bien de se donner les moyens déjà de prendre en compte chaque souffrance individuelle et ensuite de réfléchir (oui je vote plutôt à gauche). L’autre fois ils (cette chaîne de radio donc) balançaient des interviews de riverains qui avaient voté FN et qui prétendaient ne pas être racistes. L’image des journalistes autour de leur table ronde s’esclaffant tour à tour m’a dégoutée. Tout d’un coup un film m’est venu à l’esprit. « La honte » de Ingmar Berman. Les Cahiers du cinéma et leur clique y voient une métaphore de la guerre dans le couple, de la non communication voire la non communion. Pourquoi pas. Moi j'y vois un truc très simple, un couple d'artistes et d'intello bobos qui ne veulent surtout pas s'occuper de la problématique du beauf moyen et qui se retrouvent malgré eux ensevelis dans la logique de guerre et en deviennent pires (pour sauver leur peau) que ceux ayant voté pour des lois ou une guerre absurde : une autarcie impossible, la-dite sensibilité de l’artiste intello « bobo-isé » rattrapée par la dure réalité de la condition humaine.
Le lendemain matin en allumant mon ordinateur, j’ai trouvé un seul commentaire valable à mes yeux. Celui d’une mamie prônant avec une voix très enfantine :
Les régionales ?
 J’en ai rien à foutre
Je suis anarchiste
Et je rêve de foutre en l’air cette société capitaliste.
 
Francesca Acquaviva, aux Urbains de Minuit
 
(dessin Francesac Acquaviva)
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Numéro : 59 -