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Numéro 61 - 07 septembre 2016
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Le marché, l’art, l’âme etc.

L'artiste rentre au plus profond de soi mais son obsession principale, c'est surtout d'en sortir afin de sublimer et réinventer la vie. L'art, c'est un engagement qui se porte vis à vis de l'environnement, dans sa globalité. Ceux qui font le contraire sont des imposteurs.

Quand tu te lances dans la création, on te dit souvent que tu es une putain de narcissique. Je laisse dire. Ce qu'il y a, c’est une profonde révolte qui s'est bâtie après quelques années en compagnie de celui qui soutient mes muscles, mon squelette, puis mes tendons, mes organes, mon cerveau et certainement mon âme. L'esprit lui, doit aller plus loin. Il n'est pas certain de ce qu'on dit sur lui, cette histoire d'immortalité le concernant. Lui le révolté, lui qui s'est fabriqué et qui va perdre ce qui le renferme depuis des années. Il faut écrire l'histoire de ce corps afin qu'on ne l'oublie jamais. L'écriture, le dessin, les selfies, tout cela s'écrit à la manière des civilisations antérieures. Le dessin appartient à l'expression. Ce fut le premier pour l'homme. Il fait partie du langage. Il est inhérent à notre inconscient voire au-delà, toutes les civilisations y ont recours et c'est en ce sens qu'il est mystique…

Pour ma part, les dessins sont un voyage, une expérience. Ils font office de mandala, de chemin de vie. Ce n'est pas simplement de l'art pour l'art. C'est une des raisons pour lesquelles je les offre aux regards. Ils sont (et doivent) être vus. Je crois aussi que beaucoup en ont peur. Nous dessinons tous enfant et puis l'adulte arrête. Il y a quelque chose de perdu. Je refuse cette perte. L’art nous apprend l’identité et nous lie à l'éternité.

La trinité pour moi ce n’est pas le père, le fils et le saint esprit. La trinité, c’est le corps, l'âme et le Narciste. Narciste c’est un mot que j’ai inventé car s'il faut être créateur il faut aller jusqu’au bout c’est-à-dire réinventer, casser et reconstruire. « Détruire, dit-elle ». Depuis que je dessine j’ai gardé en moi cette phrase de Duras, je ne sais plus si le contexte était le même. Ce que je sais c’est que dans la création, en tout cas dans la mienne, la destruction est essentielle... Quand je regarde les œuvres des autres et parfois les miennes, je les trouve de mauvais goût. J’y vois souvent un truc super kitch. Je crois que c’est une gêne qui me vient d’une idée du collectif. Alors qu’en réalité le kitch n'est pas comme on veut bien nous le faire croire la résonance du peuple.

Le Kitch, c'est bien la résonance de quelques élucubrations du bourgeois qui a décrété ce que la masse doit aimer regarder et bouffer. Le style “populaire”, c'est avant tout le style “bourgeois”. Le fondre dans la populace nous montre ainsi le manque de courage de nos “élites” dont les actions ne sont et ne seront jamais assumées que par une raison de masse. Alors forcément, parfois, tout cela ressort dans nos œuvres même si on ne le veut pas. Parce que nous vivons dans cette société et nous créons envers, mais aussi contre elle. « Contre », c’est-à-dire comme un ou une enfant pourrait l’être au creux du sein de sa mère. Et pourquoi, me direz-vous ? Et bien parce que forcément nous créons pour compenser ce désir impossible d'absolu. Tous ces artistes qui parlent de leurs propres œuvres me dépriment beaucoup... Ils savent exactement toujours où ils vont et comment ils y vont... Ils n’ont plus qu'un seul mot à la bouche : le medium, mon medium et blabla.

Moi, je ne sais jamais trop où je vais et en réalité, c’est l’erreur qui me guide. Alors, pour me déculpabiliser, je pense au fameux «les erreurs ont presque toujours un caractère sacré, ne les corrige jamais » de Dali. C'est bien pour cette raison que j’ai mis beaucoup de temps à me définir comme artiste. Il me manque l’école et la formation classique qui vont avec. Alors moi qui respecte toujours les références de manière générale, je pensais en manquer. Mais cela est faux. Car en matière artistique la référence c’est la vie. Et comment ne pas rentrer dans la vie sans son Narciste ? Impossible ! Parler de moi (profond) me donne envie de parler des autres. Leo Ferré disait qu’on ne devait pas l’emmerder avec cette question du Narcisse. Il disait : « Et alors, je suis le mec que je connais le mieux. De qui veux-tu que je te parle ? » Et c’est dire qu’il parle aussi des autres… il ne fait que cela en réalité.

Crier c'est dessiner aussi. Pourquoi ? Je n'en sais rien. Mon but ? Encore moins. Ce qui est certain, c'est que, lorsque je relis mes textes, que je regarde mes dessins, je me demande comment j'ai pu écrire et dessiner des trucs pareils. Y’a quelque chose qui nous dépasse, l’inconscient peut-être, le merveilleux sûrement. J'ai souvent l'impression que certaines de mes œuvres ne sont pas miennes. C’est ce qui se passe quand je gueule pour les autres. Je fais de la production créatrice ou de la création productive. (C'est-à-dire un dessin minimum par jour que je ne dédie en aucun cas à la vente.)

 

Francesca Acquaviva pour les Urbains de Minuit.

 

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Numéro : 57 -