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Numéro 61 - 07 septembre 2016
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Guillaume, la table et une histoire de place

 

« -Maman….Maman….Mamannnnn »

Dès ces premières paroles j’ai su que cette histoire allait me plaire. Cet appel a réveillé quelque chose de profond. Qui n’a pas appelé sa mère comme ça enfant, adolescent et voire même à l’âge adulte ? C’est l’histoire de Guillaume, un garçon qu’on voudrait voir comme une fille. Et le « on » c’est la mère en fait.

La mère, c’est l’être qu’on voit en premier. La mère c’est celle qui va nous nourrir et par qui on va vouloir être aimé en premier. C’est notre premier exemple. Certainement que cette mère-là voulait une fille. Et donc Guillaume va être une fille. Enfin il va le croire. Et puis il y a cette admiration pour cette mère qui va le conduire à une sorte de mimétisme conscient.

C’est aussi l’histoire d’une mascarade. Une mascarade à laquelle s’adonne tout le monde. Une mascarade qui est là pour qu’on puisse être accepté voire aimé par la maman puis plus tard, par la société. Une histoire de mimétisme dans lequel il est très aisé de se perdre. Ici cela passe par l’histoire du genre mais cela aurait pu être autre chose…

La vraie question à travers l’histoire de Guillaume c’est l’histoire de l’identité. Et cette question est essentielle. Elle est au goût du jour parce qu’aujourd’hui nous arrivons dans un siècle d’uniformisation. L’uniformisation des corps et l’uniformisation des esprits où il est inconcevable, contradictoire et culpabilisant d’être ou de se sentir différent. Ce que j’ai beaucoup aimé aussi dans ce film c’est cet amour fort que le héros nous renvoie de la femme. Il nous dit que nous sommes belles, différentes, que nous avons mille facettes et que nous savons nous adapter. Bref un homme qui dépourvu du masque de la virilité arrive à nous sentir et à nous aimer réellement.

C’est aussi pour cela que j’aime ce film, que j’aime Guillaume. Dans les films et dans les romans la plupart du temps, ce sont des hommes qui parlent de nous, qui nous stéréotypent au besoin…Ce sont de mauvais films et de mauvais romans. Et alors me direz-vous ? Ce sont des fictions et on se fiche de savoir la vérité sur telle femme qui a sa part dans une histoire irréelle. Ce n’est pas vrai. A travers le temps, à travers les siècles, la fiction s’empare du réel. La fiction vient nous dicter ce que nous sommes nous les femmes ou plutôt ce à quoi nous devrions ressembler.

Dans Guillaume et les garçons, pour une fois je n’ai pas été excédée par ce regard des hommes sur nous, même si innocent, toutefois désolant ; De ce manque d’amour et surtout de ce manque de finesse pour définir ce que nous sommes dans le fond. La cerise sur le gâteau du film c’est que du début à la fin, j’ai esquissé un sourire qui n’a pas décroché tout du long. Car Guillaume est un être, au-delà de sa part féminine ou masculine, plein de finesse et d’intelligence, c’est-à-dire un humoriste dans toute sa splendeur. Et cela fait du bien, car les vrais humoristes manquent cruellement à notre paysage ces temps-ci.

Ce que je vois de grand dans cet œuvre c’est que finalement, Guillaume se définit avant tout comme un être au-delà du genre. Et c’est ce qui est beau et ce qui est bouleversant. Quelque soit notre statut c’est bien cela le plus difficile dans cette société qui devient de plus en plus binaire et radicale. Au-delà des apparences se définir comme un être vivant avant d’être relégué à une simple fonction de genre celui d’une femme ou d’un homme. Parce que la fonction femme ou la fonction homme dans la société elle est simple et le but du capital c’est surtout que les plus forts et les plus faibles ne puissent surtout pas accéder aux mêmes statuts et aux mêmes droits. Bien loin de ce qu’on veut nous faire croire, on assiste encore à des mécanismes établis, peut être bien dans l’idée d’une certaine préservation de l’espèce.

Mais l’espèce à tendance ces derniers temps à partir en couilles. La métaphore ne me semble pas aussi absurde que cela : le capitalisme, la surconsommation, les couilles tout ça c’est la même histoire. Aujourd’hui si on veut avant d’être une fonction homme ou une fonction femme, être humain, il faut le payer par un certain degré de souffrance. Alors on fait sa psychanalyse, on prend des coups, on fait des mauvaises rencontres, on s’obstine même à reproduire sans cesse les mêmes erreurs. Peut-être bien pour comprendre et se rendre compte qu’on est différent, que les moules n’existent pas (jeu de mots ou métaphore, je vous laisse libre de juger) que cela ne passe pas, qu’on n’est pas comme « il » faudrait être. Et puis un jour au coin d’une table, ce jour où enfin on a le sentiment d’être aimé pour notre vérité, pour ce que nous sommes au-delà de la ceinture, ce jour-là tout s’éclaire.

On devient humain et on est heureux d’être ce que l’on est.

Qu’on soit Guillaume et les garçons ou Guillaume et les filles , on est enfin prêt à se mettre à table.

 

Francesca Acquaviva, aux Urbains de Minuit

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Numéro : 55 -