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Numéro 61 - 07 septembre 2016
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La marelle de l'anarchie

(dessin : Francesca Acquaviva)

Ce n’était pas que dans ma matière et mon travail que j'étais devenue pluridisciplinaire. C'est mon travail qui m'avait donné cette idée que le reste du monde se spécialisait et que je n’avais pas la moindre envie de devenir une telle spécialiste. Rendez-vous compte. Spécialiste du sein, du rein et de je ne sais encore quel organe: Quelle arrogance ! Et c'est bien ce qui se passait. Des spécialistes, c'est dire la connerie, le non-sens absolu de l'humain orgueilleux à tout prix et surtout à celui de la vie ...

Alors qu’en réalité, lorsqu’on fait preuve d’un peu de bon sens, on ne peut pas faire de la recherche sur une pathologie sans comprendre ce qu’en est sa chimie et ce qu'il en est de ses différentes interactions avec les autres constituants du corps. L’étude d’un système se situe à plusieurs niveaux. Celui du corps mais aussi celui de la société. Aujourd’hui on fragmente ces idées-là. L’alchimie n’a plus lieu d’être. Aujourd’hui, on t'injecte de la substance et on n’en connait pas toujours sa totalité.

Et alors, qu'est-ce que la totalité ? La totalité c'est justement le nombre, le plusieurs. Et la vérité, elle, dépend bien de toutes les interactions qui ont été prises en compte pour en dérouler sa sagacité.

Alors aujourd’hui, on peut être partout et finalement avoir l'impression d'être nulle part. Il faut du temps. Du temps que la société ne te donne pas car il faut que tu sois fonctionnel pour éventuellement avoir la chance de mettre quelques pâtes dans ton assiette avec ou sans sauce, selon. On va te dire : tu veux du temps ? Mais du temps pour quoi faire ? Ecrivaine ou chercheur ou bien dessinatrice ou alors artiste ? On va te dire qu’il faut prendre le temps d'apprendre à écrire. De connaître les petites ficelles. De structurer. Et d'envoyer ton texte dans un réseau adéquat. Parce que, ce qui compte là aussi ce sont les interactions. Le dessin ? La même chose. La recherche ? Pareil. Difficile de pouvoir être libre, d'aller se plonger dans les domaines qui nous plaisent, mais surtout d’en faire une seconde profession voire une troisième. On nous demande des diplômes qui deviennent notre prison. Comme je n’ai pas fait d’école d’art, je dessine tous les jours plusieurs dessins et je sais très bien qu'ils ne se valent pas tous. Et la recherche ? Eh bien c’est la même chose. Tout ne se vaut pas. Et la plus grossière erreur a été de croire qu’un gène tout seul pouvait induire le cancer. C’est faux. Ils sont plusieurs. Une tumeur homogène ? Ni pensez même pas ! Une tumeur est hétérogène ! Elle-même se nourrit d’un nombre infini d’interactions. La plupart du temps, elle est aidée par le milieu extérieur. Comment la contrer ? Comment la vaincre alors ? A plusieurs.

Mais l’individu qui y réfléchit doit aussi avoir une échelle sur laquelle il peut descendre et monter pour voir un peu mieux ce qui se passe. Eh oui. C’est ainsi. Cela l’a toujours été. Ne croyez pas le contraire. C’est le meilleur moyen de devenir mauvais. Et ce dans tous les sens du terme. Qu’est qui amène l’Homme à choisir une profession ? Qu’est-ce qui motive l’intégration d’un individu dans le corps social ? Comment choisir ce qu’on veut devenir à 18 ans ? Qui sommes-nous à 18 ans ? Que nous enseigne-ton ? La formation de l’être ne prend-il pas toute une vie ? Peut-on concilier la volonté d’être soi avec notre rôle dans la société. N’est-ce pas là une solution de bonheur ?

Pourquoi nos chercheurs animés de la plus excitante puissance de vie, qui est celle de la passion et du partage, arrivent-ils à se suicider du jour au lendemain ? Tout au long de la vie, nous nous évertuons à devenir ce que nous sommes mais cette société comme un petit enfant malade tire la ficelle pour nous faire glisser peu à peu dans quelque chose qui ne nous ressemble pas. Les plus courageux après 6 ans de médecine décident qu’ils ne pourront jamais s’occuper des autres et ils s’arrêtent. Les autres continuent. Le malheur vient de cette vocation que la société laisse imaginer aux plus soucieux, à devenir seulement et simplement fonctionnels. Alors c’est difficile de faire autre chose et c’est difficile de vouloir être partout. Encourageons la pluridisciplinarité ?

Concrètement, voilà ce qu’affiche aussi le monde de la recherche. Et là encore les projets pluridisciplinaires ont mis et mettent toujours un certain temps à pouvoir acquérir des financements. On a besoin de cases. Le généraliste est un bien grand mot, même s'il a en lui-même sa forme héroïque. Si je devais faire un dessin de ce texte je dessinerais des gens enfermés dans des cubes étiquetés et qui ne pourraient plus se toucher. Ils n’auraient que des contacts furtifs. Au hasard de leur déplacement. Un monde où l’individu reste enfermé mais qui permet à chacun de se déplacer tranquillement. Une espèce de bocal, similaire à celui des poissons, tranquille et sans bruit. L’embouteillage viendrait d’un accrochage entre deux cubes. Une connexion aidée par des fils et des relais. Quelque chose qui injecterait un peu de couleur. Quelque chose qui ferait exploser les cases permettant à deux individus de circuler librement. L’anarchiste n’est pas celui qui s’offusque qu’une bourgeoise, une intello ou une docteure puisse elle aussi se mystifier par des selfies, l’anarchiste c’est bien cette volonté de sauter d’une case à une autre. De jouer à la marelle. Et d’espérer un jour rejoindre le ciel.

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Numéro : 52 -