
On était en 1968.
Mon père était musulman et avait une pratique régulière de la religion.
Ma mère était catholique, croyante mais peu pratiquante.
Aucun de mes parents ne nous obligeait à suivre les préceptes de sa religion.
Mon père disait que quel que soit le nom que l’on donne à Dieu, il est Dieu. Quand je lui demandais si j’étais musulman, mon père me répondait que, lui même étant musulman, je pouvais me considérer comme musulman, mais que la religion est une chose que l’on doit choisir en conscience et que quand je serai en âge de choisir, je choisirai la religion qui me conviendrait ou aucune et que cela ne changerait rien pour lui car j’étais son fils et qu’il m’aimait.
Un jour, alors que j’étais encore enfant, je suis entré dans la chambre de mes parents. Là, j’y ai trouvé deux revues qui ont changé ma vision du monde. La première était Lui, la seconde Hara-Kiri.
Lorsque j’en ai parlé à ma mère, elle s’est offusquée que mon père ait laissé des revues pour adultes à la portée de ses enfants. Mon père a répondu que Lui était effectivement un magazine pour adultes mais que nous pouvions lire Hara-Kiri.
Mon père qui avait pris part à plusieurs guerres en critiquait l’horreur. Il ne tuait pas même une mouche tant il respectait le vivant.
Mon père qui est au Paradis, puisque tu y croyais, je t’aime pour ce que tu as fait de moi.
Mon père s’appelait Belkacem Aniguid, c’était un bon musulman.
Je suis Charlie, fils de Belkacem Aniguid.
Metz, mai 1968
Kader Robert Aniguid, aux Urbains de Minuit