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Numéro 61 - 07 septembre 2016
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L'Argent Dette, documentaire de Paul Grignon

image : Maïla Gracia. Pour voir d'autres oeuvres : http://www.mailagracia.com/

À la question « Comment l'argent se crée ? », combien d'entre nous seraient capables de fournir une réponse satisfaisante ? Il est surprenant de constater que l'un des aspects les plus essentiels de notre vie, qui conditionne notre rapport au monde, qui organise notre temps, qui oriente bon nombre de nos choix, fonctionne selon un mécanisme dont nous ignorons à peu près tout. Si cette ignorance ne nous empêche pas de vivre, de créer, d'aimer, elle nous rend cependant dépendant d'un système en dehors duquel une existence heureuse semble impossible. Le documentaire intitulé L'Argent Dette, réalisé en 2006 par un artiste canadien, Paul Grignon, nous aide à faire un saut hors de l'eau de notre quotidien, à nous transformer en poisson volant, selon une image chère à Bernard Stiegler, pour mieux comprendre la structure à l'intérieur de laquelle se jouent notre quotidien et nos passions.

L'idée principale du documentaire est la suivante : les banques créent de l'argent selon un mécanisme qui, tout en étant légal, n'en est pas moins toxique pour la société. Lorsqu'un un client obtient un crédit, il ne reçoit pas l'argent que d'autres déposants ont confié à la banque, contrairement aux idées reçues. Il reçoit un argent virtuel qui, s'il lui permet d'acquérir toutes sortes de biens tangibles (le canapé sur lequel il se pose face à sa nouvelle télé géante n'a rien d'une chimère évanescente), ne deviendra réel qu'au moment de son remboursement. En s'endettant, il devient le vassal de sa banque, vassal qui devra partir au combat pour ramener coûte que coûte la monnaie sonnante et trébuchante dont on lui a confié le fantôme despotique. La perversion de ce système repose sur le fait que les banques ont le droit de prêter un argent qu'elles n'ont pas, qu'elles créent chaque jour des sommes colossales grâce aux promesses de remboursement, et qu'elles prêtent autant d'argent que ses clients peuvent (ou croient pouvoir) emprunter. Ainsi, l'endettement individuel et collectif ne cesse de s'aggraver : il ne peut pas en être  autrement pour que le système perdure. Cessez donc de croire les politiciens quand ils nous serinent que nous devons nous résigner à tous les sacrifices pour réduire la dette.

La vidéo est construite en cinq parties. La première partie remonte aux origines du système bancaire. Elle permet de saisir comment l'argent, qui était à la base un simple outil facilitant les échanges de biens, est devenu la clef de voûte du capitalisme financier.

La deuxième partie du documentaire s'attache à décrire le fonctionnement du système monétaire contemporain. C'est l'occasion idéale, pour le spectateur, de faire le point sur ses notions d'économie, et de combler les lacunes si besoin – tant il est vrai qu'une culture économique, aussi rébarbative qu'elle puisse sembler à acquérir, n'en est pas moins indispensable pour comprendre le monde dans lequel nous vivons.

La troisième partie, avec un grand souci pédagogique, s'efforce d'expliciter les notions présentées précédemment à travers un exemple concret : celui d'une banque qui viendrait tout juste d'ouvrir et qui recevrait la première demande d'emprunt de son premier client. Le mécanisme de la création monétaire devient limpide, même pour le néophyte, pour peu qu'il soit attentif et qu'il ne se laisse pas rebuter par le vocabulaire technique.

La quatrième partie revient sur le caractère perpétuel de la dette, dépeinte comme un monstre voué à devenir toujours plus gros pour ne pas périr. Consommation idiote, gaspillage, pollution, exploitation morbide de la planète et de ceux qui la peuple sont à ranger au nombre des conséquences directes de ce système. Pour ne pas rester sur une note pessimiste, le documentaire recense quelques alternatives, comme la création de monnaies parallèles (plus nombreuses que ce qu'on imagine, selon la notice de wikipédia : http://fr.wikipedia.org/wiki/Monnaie_locale et dont les SEL peuvent donner une idée : http://seldefrance.communityforge.net/), le troc privé, sans intérêt, ou la création d'une banque sans but lucratif qui servirait les intérêts du citoyen (dont la Nef semble aujourd'hui être en France un bon exemple, http://www.lanef.com/index.php).

Pour finir, la cinquième partie ouvre la polémique. Paul Grignon laisse entendre que le système économique dans lequel nous sommes contraints de vivre actuellement ne serait pas le résultat de forces historiques qui nous dépassent, mais au contraire le fruit de la volonté d'un petit nombre d'acteurs ayant servi leur propre intérêt. Cette conclusion, aux allures de théorie du complot, n'enlève pas l'intérêt pédagogique et politique des quatre parties qui la précèdent.


Ce documentaire, diffusé depuis plusieurs années via internet, a connu un grand succès et a suscité de multiples réactions. Si certains commentateurs se sont attachés à dénoncer des approximations, voire des erreurs, il n'en reste pas moins que ce film met en lumière un aspect crucial de notre société, dans lequel chacun de nous trouve un intérêt vital. Les Urbains de minuit vous en recommandent le visionnage :

http://vimeo.com/1900439

Les Urbains de Minuit

 

 

1 commentaires
Le 0000-00-00 00:00:00 par Karla Paslac
Belle volute autour d'un sujet opaque et qui est le véritable coeur de la tourmente.
Dominique Strauss Khan (un homme de gauche...), lorsqu'il n'était rien de moins que le directeur général du Fonds Monétaire International, disait lucidement que c'était le "GREED" (l'avidité) qui avait corrompu la finance. Et l'avidité n'existe que parce qu'elle a été encouragée par ... la CREATION FACTICE DE MONNAIE SANS CONTREPARTIE. Cela vaut pour les Etats autant que les individus.
Or, avant, avant le grand mirage, avant l'ouverture totale des robinets d'argent imaginaire, avant était l'ETALON OR (autre race d'étalon que DSK). Les états "battaient" monnaie en fonction du stock d'or négociable que les banques centrales détenaient et qui représentait une valeur tangible, universelle, négociable (avec ses défauts, certes). Puis, en 1944, pour favoriser la reconstruction, étrangement, il y a eu un glissement de l 'or vers le DOLLAR qui est devenu la référence (accords de Bretton Woods). Mais tout cela n'a fait que servir des causes tapies dans l'ombre et favorisé le développement du commerce international : endettement des états pauvres auprès des états riches, création du FMI, de la Banque Mondiale, de l'OMC et du GATT.... tout ce qui nous fait tant de bien aujourd'hui !
Et cette logique transversale a contaminé toute la société : le monde s'est mis à vivre à crédit alors qu'avant, c'était l'EPARGNE qui finançait la croissance et les achats des particuliers. Chacun épargnait un peu et les emprunts d'Etat intérieurs finançaient leur propre développement. Sous prétexte de solidarité, la finance internationale a déséquilibré cette logique et les distorsions sont devenus ingérables et abyssales. Ce qui vaut pour les états états vaut également pour le petit particulier qui achète sa télé à crédit chez Darty ! C'est tout idem. Et le système s'auto-entretient.
Aujourd'hui, on vit à crédit pour tout, fuite en avant consumériste dans un avenir toujours meilleur et plus nanti...
A quand le vrai grand KRACH ? A quand le BIG BANG ? Préparons-nous. Restons solidaires car un jour, l'argent n'achètera plus rien et alors, on se sentira très seul avec le portefeuille rempli de papier immangeable.
Bon, et maintenant, je vais vraiment le regarder ce documentaire car j'ai écrit tout ça sur le crédit de ta plume, chère rédactrice, et je risque de faire faillite en le voyant vraiment !
Numéro : 42 -