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Numéro 61 - 07 septembre 2016
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Les Urbanocrates fêtent le 1er Mai (s), un reportage

Premier Mai(s) 2014 :  folies douces au Court Circuit Café

Premier Mai, fête de la paresse, mais pas pour les artistes, ni pour les associations. Ce jour-là, des Urbains, des Artocrates et des Ouvreurs se réunissent au Court-Circuit Café pour varier sur le thème du Coming Out, chacun dans sa langue. J'en suis.

Pendant l'accrochage, Nyden et moi comparons la taille de nos vulves (dessinées). Celle de Nyden, qui fend un personnage sur toute la hauteur de l'abdomen, est incontestablement la plus généreuse. « Je milite pour les grosses vulves ! » clame-t-elle en frétillant de la clochette.

Sonia a l'idée d'un blind test un peu particulier : des volontaires, les yeux bandés, palperaient le cul d'autres volontaires, le froc baissé. L'enjeu intellectuel est le suivant : Y-a-t-il des caractéristiques tactiles qui permettent de distinguer le cul féminin du cul masculin ? Les conclusions de l'expérience seraient d'un intérêt crucial pour la théorie du genre. Malheureusement, elle ne sera pas réalisée (du moins je ne m'en suis pas aperçue).

On sort les faux cils, les talons aiguilles, les perruques et le léopard pour accueillir les premiers visiteurs.

À l'étage, je croque les inconnus qui veulent poser pour moi. D'un modèle à l'autre, les sujets de conversation varient. On parle tampax ou barillet de montre, parfois on ne parle pas. Manon me propose de me dessiner pendant que je la dessine. De la posture sagement statuaire à l'imitation joueuse qui fait du dessiné un dessinant et du dessinateur un dessiné, chaque personne a sa manière de s'emparer de la situation que je propose. J'accepte tout ce qu'on me donne et je tente de me l'approprier, avec plus ou moins de succès.

Plus tard, en parlant avec Florence, j'apprends que les Japonais considèrent le regard comme la partie la plus intime du corps. Certaines femmes, dont on photographie les orifices béants, doivent se couvrir les yeux avec la main. Force est de constater que si l'on baise avec les yeux, je souffre de nymphomanie aiguë.

Entre deux irruptions de modèles spontanés, je m'intéresse à la projection de courts-métrages. Un homme à talons aiguilles et sous-vêtements rouges tente de se protéger des œufs qu'on jette sur lui. C'est l'occasion de constater que je supporte de moins en moins le spectacle de l'humiliation, si souvent servi à toutes les sauces, fussent-elles esthétiques.

Au rez-de-chaussée, les lecteurs dont Sonia et Kader se succèdent pour nous faire entendre des mots doux et des mots crus. Une petite fille assise à côté de moi me confie : « Mes oreilles prennent cher ! » Elle ne se les bouche pas pour autant.

C'est autour de Marion de s'occuper de nos oreilles. Accompagnée de sa seule guitare, elle nous empoigne et nous subjugue, telle une Janis Joplin du vingt et unième siècle. Traçant maladroitement les lignes de sa bouche ouverte dans son visage, j'éprouve alors l'intense regret de ne pas pouvoir dessiner sa voix.

Dans l'arrière-cour, Olivier m'explique sa performance. Les lettres d'amour qu'il lit ne sont écrites par personne, ni par le spectateur qu'il désigne comme rédacteur virtuel, ni par lui qui ne rédige rien d'autre que la formule d'introduction et celle de conclusion, permettant à son imagination immédiate de se déployer dans l'espace blanc entre les deux. Son inspiration, il la puise dans la première émission radiophonique où les auditeurs ont eu la possibilité d'appeler pour ouvrir leur cœur, émission dont le souvenir est toujours aussi vibrant de tendresse dans sa mémoire. Accrochant mes pensées aux petites bulles ascendantes de la bière, je ne peux m'empêcher de faire le rapprochement entre ces lettres d'amour adressées à un destinataire inexistant, absolu, et les textes mystiques qui s'adressent à Dieu en des termes amoureux, allant du père à l'époux, en passant par l'amant. En somme, Olivier et Sainte Thérèse d'Avilla font la même chose.

Cependant, Infidel Castra vient de commencer son spectacle. Dans son accoutrement de trav, il s'applique à être inexpressif, mécanique et bancal comme un jouet cassé, une sorte d'automate mal foutu qui enchaîne les chansons d'amour d'une voix monocorde et grinçante. L'inévitable effet de malaise que cela produit contraste avec la sensualité de Nyden qui, dans le même temps, peint des chtouits spermatozoïdomorphes sur deux gays torses nus se faisant face. Au bord de la panique, Élise demande : « Mais ils se sont mis là tous seuls, je veux dire, est-ce que c'était prévu ? »

L'impression bordélique est totale. La mission urbanocratique, accomplie.

 

 

Animande, dessin d'Amandine Brûlée 

article également publié dans http://www.lartocrate.com

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Numéro : 35 -