Ami lecteur, ouvre ta gueule !

Parce que Les Urbains de Minuit sont un outil, nous vous donnons la parole.
Vos réactions seront lues et approuvées par notre sympatique comité de rédation dans les 48 heures.
Les propos racistes, xénophobes ou outranciers ne seront pas publiés.










CAPTCHA Image   Reload Image
Enter Code * :

ENREGISTRER
Numéro 61 - 07 septembre 2016
Inscrivez-vous à notre mailinglist :
aussi sur www.facebook.com/lesUdM

La tyrannie de l'orgasme féminin

« Vous connaissez les chemins qui vous mènent à l’orgasme. Vous l’avez déjà croisé. Si ce n’est pas le cas, vous en êtes proche. Mais vous pouvez encore augmenter vos sensations et votre plaisir. Il vous reste encore plein de jouissances à explorer. Vous mettez d’ailleurs toutes les chances de votre côté : vous vous adonnez à la masturbation, vous n’hésitez pas à guider votre partenaire (ce qui prouve que vous lui faites confiance). Continuez, persévérez dans cette quête se sensations fortes : le plaisir extrême se trouve au bout. »

Voilà, mon résultat au test « Savez-vous atteindre l’orgasme » dans le magazine Psychologies.

Partant de là, j’interprète : je suis la mauvaise élève par excellence…Zéro de conduite dans mon plumard. Tous fous les hommes qui m’approchent, aucune sensualité dans mon p'tit corps ! J’suis nulle, quoi ! (vous constaterez une légère tendance à la dramatisation de la chose. Eh, oui, le mal est profond !)

Car je ne fais pas partie des petits 16% de françaises (contre 90% des hommes !) qui atteignent haut la main, sans faire le moindre effort, sans doutes ni tourments, rendant ainsi l’hommage ultime et infaillible à leur partenaire, ce nirvana impérieux et épanouissant.

Néanmoins, bonne nouvelle, merci le test : je peux m’appliquer parce que je le mérite finalement, vu les efforts déployés grâce à la masturbation, à mes pensées érotiquement positives, à mon ouverture d’esprit sur certaines excentricités. Quelle chance ! Ouf,  y a d’l’espoir.

Et alors, peut-être qu’avec un peu de persévérance, je serai LA femme parfaite, c’est qui crie s’accroche aux rideaux à la moindre pénétration et jouis animalement,  vaginalement,  toujours, cela s’entend (car le clitoridien, ça vaut rien, bien sûr !).

Et oui, l’orgasme, le « vrai », le « vaginal »,.. c’est la quête ultime, « LE »  but. A quoi bon gigoter si ce n’est pour l’atteindre ? A quoi bon toutes ces ondulations, ces préliminaires, ces mots doux ou crus, ce (mmmmm…)  léger mordillement des seins si c’est pour ne pas être récompensé et donner en retour ce que l’autre mérite suite au déploiement de la parfaite panoplie de l’amant performant.

« Performance », c’est le mot ! La chambre devient le lieu d’une compétition, un « bureau » où les investissements doivent être rentables et les résultats satisfaisants, tout du moins en rapport avec les efforts consentis. Tiens, le parallèle avec notre chère société de consommation est parfait semble-t-il ? Le monde du sexe est quantifié, statistiqué, mesuré : faisons le x fois par semaines/mois/années, atteindre l’orgasme en 15 minutes, si possible de façon répétitive. Les organes même sont mesurés, comparés, soupesés, esthétisés. Et on s’étonne que Viagra et Cialis deviennent les gélules du bonheur ? Et on se demande pourquoi la chirurgie vaginale, pourquoi l’épilation intégrale, pourquoi les portes jaretelles, .. et je suis très, très, sage dans cette énumération.

Pourquoi ????? Que s’est-il passé depuis le Moyen Age où les femmes excitantes, non-conformistes, libérées sexuellement et  qui prenaient plaisir à faire l’amour étaient considérées comme des sorcières et brûlées comme telles ?

« À Bacharach il y avait une sorcière blonde

Qui laissait mourir d'amour tous les hommes à la ronde

Devant son tribunal l'évêque la fit citer

Ô belle Loreley aux yeux pleins de pierreries

De quel magicien tiens-tu ta sorcellerie ? »

Guillaume Apollinaire

 

Après avoir conquis le droit au plaisir épanoui en mai 68, après Simone de Beauvoir (quand même, c'est pas rien !) serions-nous tombées sous la tyrannie du sexe réussi à tout prix , …..à tous les rayons, à tous les coins de rue, dans tous les clips publicitaires ou autres, il n’y a plus que cela : allez jouissez, gémissez, soyez heureuses, qu’attendez-vous ? Un peu comme ces ex-soixante huitards reconvertis dans de hautes fonctions de management  20 ans après : nous avons fini par métamorphoser l’acquis idéalisé en  oppression. Hypocrisie d’un libéralisme mal assumé…et allégorie à analyser plus attentivement  ! La course à l’orgasme fait sourdre au plus profond de notre anatomie le drame d’une humanité à la dérive qui ne parle plus qu’en « taux de réussite » et qui veut posséder le bonheur comme un objet.

Et ce modèle de réussite, il est finalement étrangement masculin car c’est surtout à l’homme que la jouissance vaginale fait plaisir en lui donnant ce sentiment gratifiant du devoir accompli et renforçant sa virilité triomphante. « Alors, heureuse ? » Finalement, la dictature de la vaginalité sert le sombre dessein machiste d’une société matérialiste prétendument égalitaire voire féministe. La pression est sur la femme mais sur l’homme aussi, le pôôvre qui se retrouve dans une solitude absolue et un stress maximal pour faire grimper au plafond sa partenaire. Vous imaginez la pression, parfois. Enfin, oui, vous savez car qui ne sait pas, vous me le direz ?

Et pourtant, si c’était bien de rater, …d’avoir des succès variables ou aléatoires ?

Si c’était chouette de persévérer, d’en demander toujours plus, de chercher, d’inventer  ?

Si c’était normal de ne pas y arriver de suite, (voire pas de suite du tout…) ?

Et s il était plus beau le chemin que le but ?

Et si nous étions créateur du plaisir que nous voulons. Créateurs et donc… artistes ?

Artistes de l’amour, du sexe et du plaisir multiformes ?

On manque d’exemples où on fait du sexe non pas pour jouir à la fin, mais pour profiter du moment. On s’imagine que l’acte sexuel se termine quand les flux ont finis par se mélanger, dans un génocide de gamètes qui n’ont rien demandé. Alors que c’est l’Art de l’amour qui est en question, le respect, l’inventivité, l’union de deux énergies subtiles qui se rencontrent.

 Différents mouvements liés au tantrisme , au taoïsme prônent la lenteur et une approche loin des chemins de la performance…Récemment le « Slow Sex » a rejoint le « Slow Food » (l'inverse du "Fast Food"), lui-même venu du « Slow Life »… Il s’agirait de prendre son temps, de sortir de la sexualité mécanique, de vivre un moment d’union méditative entre deux énergies amoureuses complémentaires. 

« En privilégiant l'écoute des énergies subtiles plutôt que l'excitation,  le slow sex  ouvre un espace méditatif qui peut conduire à des niveaux de conscience plus élevés. Comme tout le reste dans ce monde de fuite en avant, nos vies sexuelles sont gagnées par le virus de la vitesse. La sexualité douce en est l'antidote idéal » Carl Honoré, auteur de Eloge de la lenteur.

Et comment ne pas évoquer le mouvement KAREZZA, né au milieu du 19ième siècle, dans le communauté d’Oneida près de New York et qui met « l'accent sur la conscience affective intérieure ainsi que sur le sentiment d'union totale avec le partenaire. L'orgasme est évité ou du moins minimisé. Des caresses et des mouvements lents et contrôlés durant les rapports génèrent un courant régulier d'énergie sexuelle qui est consciemment convertie en sentiments de joie et d'amour. »

 

Lâchons l’idée d’un but à atteindre pour accéder à l’extase.

Créons notre façon de faire l'amour, c'est une arme puissante de liberté intérieure.

 

Karla Paslac, aux Urbaines qui jouissent et aux autres

4 commentaires
Le 0000-00-00 00:00:00 par Trist
Autant de sensibilité! Si charmante
C'est l'éternelle différence entre ceux qui font l'amour comme un sport (souvent de combat), et ceux qui le font pour aimer (soi même et l'autre)..
Moi je dirais tout simplement, ne laissons pas les passionnés de sport tout azimuts nous apprendre l'amour.
Le 0000-00-00 00:00:00 par GM
"L'amour est un désir profond de bénir toute l'existence"
- Osho
Le 0000-00-00 00:00:00 par Le dandy de grand chemin

Karla, votre amour du ''slow'' fait de vous une Reine, et donne envie de (le) danser éperdument...avec vous !
Le 0000-00-00 00:00:00 par Ihndra
L'orgasme... que l'on découvre à cinq ans...ils en font une fixation à se rigidifier et s'insensibiliser le corps. Alors qu'il y a derrière, subrepticement, l'extase, et encore plus impalpable, la fusion... Relisons nos 'tantriques ': Guillaume d'Aquitaine, Raimbaut d'Orange...et bien d'autres...
Numéro : 35 -