
Lorsqu'adolescent , je dévorais Rock & Folk, que j'attendais comme la manne céleste, les premiers articles sur lesquels je me jetais étaient ceux du rédac'chef, Phillipe Paringaux. Sous sa plume d'une féroce élégance (Eh oui ! l'élégance peut l'être...), je ressentais mille plaisirs, dont celui , inégalable de la découverte. Tim Buckley, Van Morrison, King Crimson, In a Silent way de Miles Davis... C'est à ses chroniques que je dois ces achats. Et le brave homme de disquaire du boulevard de la République, à Cannes, n'a jamais su à quel point les écrits de ce dandy rock and roll, mâtiné de voyou, influençaient le jugement de son meilleur client. Paringaux, élevé au jazz, mais passionné par la musique qui se créait lors de ces désormais lointaines soixante, savait mieux que quiconque en rendre toute la beauté, la nouveauté, la nécéssité... Son écriture, ample, belle, d'une facture classique, disait avec les mots d'hier (son livre préféré est Femina Marquez de Valery Larbaud) la musique d'aujourd'hui. Loin des clichés "ahquewockanroll'', il était un véritable esthéte, un gentleman révolté, capable de s'enflammer autant pour Sun Ra ou Shepp que pour Dylan ou Led Zep, le tout avec un style où l'émotion le disputait à la finesse. Puis un jour, vers 1973, il cessa d'écrire, dégoûté sans doute, par ce qu'était devenu le rock et sa récupération par le showbiz et les multinationales. Son retrait date de l'époque maudite du "glam rock'' (T.Rex, Alice Cooper), époque où la forme prit l'avantage sur le fond... Les éditions Les mots et le reste ont pris l'heureuse iniative de rééditer ses textes de 1968 à 1973. Relisez-le ou découvrez-le, c'est un enchantement ! Ses pages sur les Stones, Zappa ou Miles (son musicien favori, comme le mien) sont parmi les plus belles du genre. Et ses fameuses "Bricoles", courtes nouvelles s'interposant entre les critiques et comptes-rendus sont de véritables joyaux de concision. Niçois, sachez qu'il fut par la suite le scénariste de Barney et la Note bleue, la BD qui racontait de façon romancée la vie de notre icône jazz locale, le grand et regretté Barney Wilen. Si un jour la critique musicale a frôlé la littérature, en France, c'est à Phillipe Paringaux qu'elle le doit.
Gilbert d'Alto
aux niçois qui mal y pensent