S’il fallait le décrire en quelques mots, et tel qu’il nous viendrait spontanément à l’esprit, le lichen est une espèce de frange végétale et fruticuleuse infectant les essences, ou sous une autre forme encore, une série de croûtes vert-jaunâtres incrustée sur les roches… Avouons- le, nous avons bien souvent peu d’égard et même aucune sympathie pour cette insolite végétation, longtemps considérée comme un excrément sans orifice («excrément de la terre » eut- on dit).

En réalité, il y a des milliers de variétés de lichens qui, à défaut d’avoir l’apparat de la belle plante, naissent merveilleusement de la symbiose entre un champignon et d’infimes cellules composées de chlorophylle. Parmi elles, il en est une qui ne sera jamais recensée dans la lichénologie mais qui, joyeux parasite langagier, pousse et fertilise l’inspiration poétique française et francophile depuis mars 2016.

Elisée Bec, le greffeur1 qui a vu naître cette variété concise et mensualisée, puise dans la diversité des textures, des formes et des oxydations. L’idée de l’expérimentation lui vint en admirant les coulées de lave des pentes du Piton de la Fournaise de l’Ile de la Réunion, comme il le confie lors d’un entretien :

« Bien que d’aucuns considèrent cette plante comme un parasite, j’ai préféré y voir, pour ma part, un symbole de renaissance, de retour de la vie. Parvenir à pousser sur des blocs de roche qui, à peine quelques années auparavant, n’étaient que des langues de minerai en fusion, brûlant tout sur leur passage avant de s’écouler furieusement dans l’océan, je trouve que ça impose le respect ! Et ça mérite l’hommage du poème2. »

Souffle condensé, lichen récolte aussi des dons de mots auprès des lecteurs. Ainsi, à chaque nouveau numéro, ces dons de mots sont recyclés dans le laboratoire oulipien où Guillemet de Parantez, factotum naturaliste et physicien sémantique, nous propose une inédite composition lichénique. Photosynthèse assurée grâce aux luminescentes rencontres et participations !

http://lichen-poesie.blogspot.fr/

Hoda Hili, aux UdM

Remerciements à Elisée Bec, Guillemet de Parantez, à leurs dévoués compagnons de recherche dans les champs lexicaux, aux é-lecteurs de ces investigations, à Sonia Grdović pour le partage.