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Numéro 61 - 07 septembre 2016
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Les diseuses de bonne aventure

Un peu d'histoire

"Depuis le VIème siècle, le terme “Atsinganoi” ou Atsingani, pour Tsiganes, fut utilisé pour désigner les Rroms (Tsiganes) membres d'une secte manichéenne (du prophète Melchisédès). Il a aussi été utilisé vers 1054 pour désigner les diseurs de bonne-aventure itinérants, ventriloques et magiciens qui ont visité l'empereur Constantin IX, Empereur byzantin (Empire romain d'Orient, Grèce actuelle et Turquie). Puis Ludolph de Sudheim (Ludolph Schilder), curé de la paroisse de Sudheim en Westphalie (Allemagne), effectue plusieurs voyages et pèlerinages ; en 1351, il parle d'un peuple qui parle une langue qu'il appelle “Mandapolos”: probablement tiré du mot grec “mantes”, signifiant prophète ou diseur de bonne-aventure

La plus célèbre activité des tsiganes est celle de dire la bonne-aventure. La “diseuse de bonne-aventure bohémienne” est même un archétype, dans toutes les civilisations du monde. Depuis les temps anciens, entourées d'une aura de mystère et de magie, ces femmes tsiganes, qu'on appelle Drabarni (de "drab", "donner un remède) en Rromani, pratiquent plusieurs formes de divination pour livrer au monde gajikané (les non-gitans, les non-tsiganes) leurs prédictions.

Ainsi les femmes tsiganes, mais parfois aussi des hommes tsiganes, utilisaient souvent plusieurs formes de divination lors d'une consultation privée. Elles pratiquaient tout d'abord la chiromancie, pour établir un contact “intime” avec la personne consultante; technique via laquelle elles étudiaient la forme des mains, la forme des doigts et les dessins formés par les lignes dans la paume de la main : tant pour être en mesure de décrire le caractère et les aptitudes d'une personne, que pour faire des prédictions sur sa destinée. Elles faisaient aussi la lecture des feuilles de thé (thédomancie), des cartes à jouer et tarots (cartomancie), ou d'autres objets tels les grains de maïs, etc. Puis elles interprétaient également les visions recueillies par la boule de cristal (cristallomancie); de même que la signification des nombres, pratique appelée numérologie."

Source : Jan Yoors, Tsiganes, Phébus, 1990

La diseuse de bonne-aventure, ou bohémienne, ou gitane est aussi synonyme de femme libre, femme fatale, femme qui aguiche . Sa façon de se vêtir d’une façon dite provocante avec des vêtements amples, bariolés, parce que colorée, avec des bijoux en or.

Longtemps considérée comme pratiquant la sorcellerie la Drabarni a été pourchassée pendant l’inquisition pour finir sur les bûchers .

La diseuse de bonne-aventure vue par les peintres

"Tsiganes diseurs de bonne-aventure". Facsimilé d'une gravure sur bois dans la “Cosmographie Universelle” de Sebastian Münster: in-folio, Bâle, 1552

En peinture, le thème de la diseuse de bonne-aventure apparaît au XVII ème siècle. Le premier peintre à traiter le sujet est Le Caravage en 1595 avec « La diseuse de bonne-aventure. »

La belle gitane en profite pour dérober l’anneau du beau jeune homme. Le Caravage fit passer un message négatif au travers de cette peinture, « méfiez-vous des gitans. »

Dans la lignée du Caravage

Simon Vouet en 1617 avec « La diseuse et sa mère» introduit une comparse qui vole la bourse du Sieur, pendant que la belle gitane fait les lignes de la main. Là encore, le peintre se montre négatif, puisqu’il y a vol. La bouche édentée de la voleuse n’est pas d’un abord sympathique. Elle regarde le spectateur avec une complicité entendue, je dépouille.

Dans cette seconde toile de Simon Vouet, c’est la gitane qui se fait voler par le complice de la Dame.

Valentin de Boulogne, dit le Valentin, peint à son tour vers 1628 « la diseuse de bonne-aventure » et dans ce tableau, c’est la gitane qui se fait voler. Sur la gauche on peut voir une main qui va dérober quelque chose dans le sac.

A son tour, Georges de La Tour vers 1636-1639, peint « la diseuse de bonne-aventure ». Sur ce tableau de La Tour montre la différence sociale entres les femmes, à cette époque les femmes avaient les cheveux cachés et les deux jeunes filles à gauche et la gitane à droite ont les cheveux lâchés.La gitane tend une pièce marquée d’une croix (conjurer le sort diaboliques des prédictions ?) qui devait être tenue dans la paume. Pendant que la gitane tend la pièce, le jeune homme ne prête pas attention à une des deux complices qui va dérober sa bourse.

Là encore l’image des diseuses de bonne-aventure est ternie puisque de La tour dans ce tableau les présente comme des voleuses organisées.

Nicolas Regnier, vers 1625 dans les « joueurs de cartes et diseurs de bonne-aventure ». Cette fois-ci la diseuse de bonne-aventure est mise en second plan du tableau. La scène se passe dans un cabaret, ce n’est pas un rendez-vous pris pour une lecture des lignes de la main, mais une scène dite de la vie quotidienne.

Pietro Longhi, peintre vénitientrès fameux, peint en 1756 « La diseuse de bonne-aventure ». La scène se passe pendant le carnaval de Venise. Les gitans et les forains avaient pour habitude de dresser des stands au pied du palais des Doges. Là encore le peintre se sert d’une scène de vie qotidienne.

Watteau, vers 1710 dans son tableau « la diseuse de bonne-aventure » met en lumière les dames bourgeoises, clientes de la gitane, qui elle, est dans l’ombre vêtue d’un habit sombre.

Elisabeth Vigée-Le Brun, portraitiste reconnue, peint « La Consultation ou La Diseuse de bonne-aventure ». La consultante est un peu figée, la diseuse de bonne-aventure est très souriante et l'enfant, comme protégée par le bras de sa mère qui l'entoure, regarde le spectateur en riant.

De très nombreux peintres, jusqu’au XVIII ème siècle, ont toujours peint « les diseuses d’aventure » avec une image négative.
La divinité était considérée comme « diabolique » et il fallait véhiculer cette image de « voleurs » avec complices le plus souvent.


Autres tableaux célèbres

Mikhail Ivanovitch Skotti, The fortune teller (1841)

François Boucher, 1767, La diseuse de bonne-aventure

L’Eglise catholique condamnait toutes formes de prédictions, considérant que cela allait à l’encontre de la moralité divine.
Le Caravage et les peintres entrant dans sa mouvance, par leurs peintures, ont fait passer un message négatif de la femme Drabarni qui ne pouvait que berner les hommes, plus particulièrement.

A partir du XIXème, les peintres ne peignent plus de « diseuses de bonne-aventure » mais représentent, la gitane en portrait ou en groupe.

Fin d'une iconographie picturale.

 

Claudie, aux Urbains de Minuit

 

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