Ami lecteur, ouvre ta gueule !

Parce que Les Urbains de Minuit sont un outil, nous vous donnons la parole.
Vos réactions seront lues et approuvées par notre sympatique comité de rédation dans les 48 heures.
Les propos racistes, xénophobes ou outranciers ne seront pas publiés.










CAPTCHA Image   Reload Image
Enter Code * :

ENREGISTRER
Numéro 61 - 07 septembre 2016
Inscrivez-vous à notre mailinglist :

Artiste médium – L’Art fantastique… entre vision et rébellion, d’Élisa Amaru et Odile Alleguede

Artiste médium – L’Art fantastique… entre vision et rébellion, d’Élisa Amaru et Odile Alleguede. Ed. TrajectoirE, juin 2014. 208 pages, 19 €.

Voici un ouvrage très intéressant qui donne un bon panorama d’une forme de création insolite, parfois appelée spirite ou médium, souvent touchant à l’art brut, mais qui s’exprime aussi ou s’est exprimée chez des musiciens, comme Robert Schumann, des écrivains comme William Blake, Robert Desnos et Fernando Pessoa dont peu connaissent le syndrome de multi-personnalités avéré et dont il a usé pour écrire des ouvrages fort différents sous différents noms, et puis des artistes qui par ailleurs ont vécu une vie très simple, ou d’autres encore ayant connu la célébrité.

Art spirite, art brut, art fantastique, art visionnaire, autant de termes décrivant un domaine où la conscience laisse place à quelque chose de plus incontrôlable, aux prises avec des dimensions invisibles, souvent mystiques ou obsessionnelles, mais pas toujours imaginaires. Beaucoup de questions aujourd’hui encore restent sans réponses, tellement nous en savons peu finalement sur le cerveau et le psychisme humains, quand il s’agit de pénétrer et comprendre des domaines considérés comme irrationnels.

Ce livre est plus un inventaire qu’une véritable recherche de fond, mais il ouvre cependant pas mal de pistes en ce qui concerne la création atypique, compulsive, la création spontanée, incompréhensible, inexplicable, lorsqu’elle s’empare par exemple de personnes qu’absolument rien ne destinait à devenir des artistes. L’expression artistique comme exutoire, auto-thérapie, moyen de survie ou bien véritablement un pont entre différentes formes de réalités ? Sans doute un peu tout à la fois, et bien d’autres choses encore.

Ainsi nous découvrirons et redécouvrirons, classés dans un ordre chronologique, les univers à la fois insensés au premier abord mais exigeant des capacités hors normes, de ces artistes malgré eux, internés ou pas, comme le mineur Augustin Lesage (1876-1974), peintre et guérisseur, le cantonnier Marcel Storr (1911-1976), le plombier-zingueur Fleury Joseph Crépin (1875-1948), Fernando Nanetti (1927-1994) et ses graffitis spirituels ; Yayoi Kusama née en 1929, dont l’obsession des pois a fait sa célébrité et qui est un étonnant exemple d’artiste assimilée à l’art brut, vivant depuis 1975 dans un hôpital psychiatrique de Tokyo, mais qui a également trouvée sa place et sa renommée dans les milieux huppés de l’art contemporain ; d’autres qui semblent véritablement possédés par des artistes disparus, comme l’incroyable brésilien – le Brésil étant la terre spirite par excellence - le peintre entrancé Luiz Antonio Alencastro Gasparetto, né en 1949, qui réalise, parfois dans l’obscurité la plus complète, avec une rapidité stupéfiante, des tableaux reproduisant à la perfection le style d’une cinquantaine de grands peintres disparus de différentes époques, avec jusqu’à leur propre signature authentifiée par des spécialistes, des tableaux qui seraient donc réalisés par ces maîtres canalisés par le médium en transe ; et  des artistes médiums au sens littéral du terme, comme la suédoise Hilma af Klint (1862-1944), pionnière de l’abstraction moderne avant Kandisky à qui on en a attribué la paternité, la suissesse Catherine Élise Müller (1861-1929), Victor Simon (1903-1976) ou Marjan Gruzewski (1898- ?). Il est d’ailleurs question aussi de Chico Xavier (1910-2002), le scribe psychopompe, le plus célèbre des médiums brésiliens.

On y trouvera également l’américain Louis Wolfson, le "transchizo" , né en 1931 et aujourd’hui millionnaire (grâce à une méthode pour faire mentir les jeux de « hasard »), écrivain « fou » et génie des langues qui, haïssant obsessionnellement sa langue maternelle a mis au point un incroyable système de conversion d’une langue à l’autre par le son et le sens, malgré qu’il ait eu, après avoir été déclaré schizophrène, le cerveau toasté au cours de son enfance et adolescence, interné pour un total de 18 mois en plusieurs fois, avec force électrochocs, insulinochocs, médications abrutissantes et pire…

Il est évident que chaque siècle pose sa marque et aussi  la façon dont on été appréhendées, voire provoquées, ces expériences hors normes. Ainsi le XIXe siècle fut le siècle des tables tournantes, le siècle spirite, le XXème celui des traumas de guerre, de l’art brut et des internements abusifs. Et le XXIe ?

La liste n’est pas exhaustive, vous en découvrirez bien d’autres ainsi que des liens, des lieux et une riche biblio/vidéo/audiographie, dans ce livre abondamment illustré qui a le mérite d’attirer l’attention sur des phénomènes que trop souvent on a eu tendance à ranger dans des dossiers classés, estampillés du terme générique de « maladie mentale », parce que cela dérangeait ou dérange encore (malgré le travail de Dubuffet pour mettre en valeur l’art brut, qui a conduit  à l’excès inverse) certains dogmes du milieu de l’art d’une part, et des milieux médico-scientifiques d’autres part.

Nous pouvons espérer cependant que le XXIe siècle sera justement le siècle où il sera possible de faire de la véritable recherche sur ces manifestations, en ne fermant aucune porte mais bien au contraire en ouvrant bien grandes toutes les portes de toutes les perceptions...

« Si les portes de la perception étaient nettoyées, chaque chose apparaîtrait à l'homme telle qu'elle est, infinie » William Blake in Le Mariage du Ciel et de l’Enfer.

 

Cathy Garcia, aux Urbains de Minuit

http://cathygarcia.hautetfort.com/

1 commentaires
Le 0000-00-00 00:00:00 par Karla Paslac
J'adore cet article et votre site. Merci.

... allez, vite, un ptit internement ...
Numéro : 42 -