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Numéro 61 - 07 septembre 2016
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Lou Festin dou pouort - Marre et Humaine

Lou Festin dou pouort

Le Fête du Port à Nice - samedi 6 septembre 2014

MARRE ET HUMAINE

 

Ce n’est pas que ce soit un plaisir de s’opposer à toute chose trop médiatisée, de critiquer ce qui plait au plus grand nombre, de défier la démagogie marketing de nos élus qui organisent les jeux du peuple pour son plus grand  bien.

Ce n’est pas que ce soit une forme de snobisme boboïsant et bien-pensant  que de se terrer dans des endroits isolés pour cultiver une différence, de refuser la banalité, de ne fréquenter que des lieux presque inconnus et certains individus infréquentables.

Ce n’est même pas que ce soit une nature en soi d’arriver à voir immédiatement ce qui ne va pas dans ce qu’on nous propose, de toujours voir l’envers du décor et avoir la conscience aiguisée à quelques évidences  : « la vérité est l’inverse de ce qu’on te propose » et « ce qu’on te le donne, on te le prend » et « toutes les images mentent ».

Non, ce n’est même pas aussi intellectuel que tout ça ,

c’est juste une évidence : La fête du Port à Nice est un enfer.

Imaginez, car vous n’y êtes bien sûr pas allés,  Cher lecteur qui êtes à la hauteur de l’humeur pamphlétaire de votre magazine préféré, Imaginez  …..

Tout d’abord, il y a la phase «  parking ». Il faut absolument garer le char de fer quelque part …. Le drame est intense car vous connaissez déjà la situation de Nice en temps normal. Rien n’est prévu et tout est interdit, des rues sont bloquées, on vous dévie et vous déviez fortement en retour car vous vous garez comme un pirate à un endroit forcément déviant.

Puis, il y a la marche jusqu’au lieu du délit. Et là, vous vous interrogez déjà intimement sur l’utilité du déplacement en meute convergente vers un point bruyant et agité, là, après la rue Catherine Segurane, au niveau de la confiserie Florian… où vous tombez enfin sur « la fête ». Première frayeur. Il faut traverser. Premier risque mais pas le moindre.

A l’entrée du « Village des Chefs », vous  rejoignez une autre meute organisée en file disciplinée,  dans laquelle l’attente estimée doit être aux alentours de 30 minutes. C’est pas pire qu’à Marineland ou Aquasplash mais…. On n’a pas d'enfants et c’est juste pour manger des plats de grands chefs à 5 euros chacun, une version étoilisée du Mac Do quoi, … et, à l’intérieur du Village, il y a encore une file pour chaque chef ! Là, bien que j’aie réussi à rentrer en faisant un attentat poétique et prétextant que ma table était réservée et que « Le chef m’attendait » (phrase obscure qui n’a provoqué aucune réaction)… J’ai la dalle grave et ne peut soutenir l’idée de devoir encore attendre pour manger. Je me précipite donc sur le premier endroit où il n’y a pas de file... et ainsi de suite dans plusieurs stands différents car les portions sont taillées pour le moineau que je ne suis pas. Au final, je m’en sortirai avec 5 plats pour moi toute seule, et deux verres de Tariquet, pour 30 euros. Pas de chaises et une musique assourdissante qui empêche toute communication avec mes amis. A un  moment, une femme git sur le sol évanouie et je me dis que ça pourrait être moi. Mon autisme se réveille et entame sa montée phobique.

Je réalise que c’est Slow Food qui a organisé tout ça, et alors, je me sens vaguement coupable parfois, de les avoir trouvés avant-gardistes et alternatifs. Finalement, est-ce qu’on peut décréter être différent, on bien doit on se contenter de l’être sans aucune forme de publicité ?

« Panem, Vinum et circences » Et l'art de gouverner les peuples se réduit en dernier lieu à l'art d'empêcher qu'ils ne s'ennuient.  Roger de Beauvoir

Allez, « on part faire un tour » ? Allez, oui, « ça va faire du bien » et puis, je m’attends encore à découvrir ce qu’il y a de beau dans cette fête, indécrottable optimiste que je suis. On marche mécaniquement, en évitant les petits chars tonitruants à contre courant de la foule qu’ils n’amusent pas, jusqu’au bout du Quai des Docks où nous visons le podium musical sur lequel se produit Rauba Capeu. On longe des échoppes de produits du terroir. Ah, tiens, y a ma copine Véronique qui fait du Safran, … ouf, un petit oasis. On stoppe une minute. Le moindre déplacement est hanté par l’idée de perdre le petit groupe que nous formons, mes amis et moi. Et forcément, on se perd puis, on se retrouve, belle solidarité. Y en a deux qui arrivent à tenir une conversation cohérente sur le théâtre et la mise en scène.  Pour ma part, je commence à devenir désagréable.

Arrivés au niveau du bout du quai, Rauba Capeu entame sa dernière chanson et on l’impression d’assister à une apothéose qui nous est hermétique…  Il y a beaucoup de fumigènes, la lumière est crue et le son est mauvais. On aperçoit un bateau genre NGV, surpeuplé qui transporte des gens de l’autre côté du port, dans la fumée et le vacarme.  Apocalypse Now, c’est du gâteau.

Mes amis applaudissent alors moi, aussi.

A un moment, je me retourne et lève les yeux juste un peu au dessus de la foule est des agitations lumineuses qui gâchent tout et là, je reçois en pleine face la beauté inouïe de ce port mythique, le port Lympia, je songe à l’Olympe (mais ce n’est pas l’origine du nom) parfaite d’où nous contempleraient des dieux goguenards et tente vainement de me calmer. Puis, je replonge dans l'univers hostile.

Et on repart, en sens inverse, jusqu’à l’autre podium.  En recroisant des chars bonsaïsés du carnaval avec de jolies filles qui sourient spontanément à tout le monde. Mais on va plus vite car on sent que c’est bientôt la fin et l’animal sauvage en nous, certainement, voit déjà sa tanière rassurante au bout du quai Cassini. Les deux qui discutent théâtre sont comme enfermés dans leur bulle, quelle chance, et ils mènent le troupeau.

On ne s’arrête même pas au dernier podium et on rejoint le point de départ, la confiserie Florian. On croit que c’est fini, on se dit au revoir et qu’on était si content  de se voir. On a l’impression d’avoir passé une éternité dans ce marécage déshumanisé et on s’aperçoit, qu’il est à peine 21h30. Le char de fer est encore à sa place mais toutes les rues sont bouchées et, bien qu’on prolonge la promenade pour éviter l’attente, on finit par rejoindre avec résignation l’embouteillage hyper statique. On coupe même le moteur et puis, on a la grande chance de se retrouver face au feu d’artifice et de pouvoir le contempler bien calés dans les sièges profonds de la rassurante Sköda.

Le lendemain, on lira dans le Nice Matin « Marée humaine pour le fête du port »…

Oui, moi « MARRE ET HUMAINE » ça me correspondait bien ce soir là.

Karla Paslac, aux Urbains agoraphobes et aux autres

 

On nous inflige
Des désirs qui nous affligent
On nous prend faut pas déconner, dès qu'on est né
Pour des cons alors qu'on est
Des Foules sentimentales
Avec soif d'idéal
Attirées par les étoiles, les voiles
Que des choses pas commerciales.

Alain Souchon, Foules sentimentales

 

N.B : La fête populaire du port de Nice est organisée tous les ans en septembre par la CCI Nice Côte d'Azur, le Conseil Général des Alpes-Maritimes, la ville de Nice, la Métropole Nice Côte d'Azur et la région Provence Alpes Côte d'Azur. Le thème de cette année était "Le temps d'une escale".

 

 

 

5 commentaires
Le 0000-00-00 00:00:00 par Narki Nal
un excellent récit-reportage, j'ai bien rigolé(jaune quand même, c'est mon quartier). Je n'ai jamais voulu y mettre les pieds (me commettre pour moi) et c'est la confirmation: affligeant!
Le 0000-00-00 00:00:00 par Jay Cee
ha ha ha ça ne donne pas l'envie d'y aller mais peut-être de regarder de haut juché sur une terrasse à flan de colline ( c'est-y possible? )
Le 0000-00-00 00:00:00 par sophie perrone
Je suis rassurée, merci
Le 0000-00-00 00:00:00 par Chinaski
Je jouais au Ketje ce soir-là et c'était mille fois meilleur ! :-)
Le 0000-00-00 00:00:00 par Paquito
Merci à toi, Pascale. A lire, ce récit gouleyant fut en lui-même une joyeuse fête. Je m'y suis humainement bien marré, même si j'y étais seul...
Numéro : 42 -