Ami lecteur, ouvre ta gueule !

Parce que Les Urbains de Minuit sont un outil, nous vous donnons la parole.
Vos réactions seront lues et approuvées par notre sympatique comité de rédation dans les 48 heures.
Les propos racistes, xénophobes ou outranciers ne seront pas publiés.










CAPTCHA Image   Reload Image
Enter Code * :

ENREGISTRER
Numéro 61 - 07 septembre 2016
Inscrivez-vous à notre mailinglist :

La langue des oiseaux

 Il faut ouvrir le livre et soigneusement peser ce qui y est déduit (…) puis, par curieuse leçon et méditation fréquente, rompre l’os et sucer la substantifique moelle . (Rabelais)  

 

 

Dans  le prologue de « Gargantua », Rabelais nous avertit que seul le lecteur qui entend la « langue des oiseaux » pourra comprendre son ouvrage. Mais diantre, qu’est-ce que cette langue ?

Appelée aussi langue des anges & des dieux, la langue des oiseaux est celle des initiés, des troubadours & des enfants. Pour la comprendre, il s’agit de dévoiler les mots du sens commun qui les recouvrent, « rompre l’os et sucer la substantifique moelle ».

 

Alchimistes & hermétistes l’ont utilisé pour préserver leur savoir & dissimuler leurs secrets, leur permettant dans un langage audible à tous de ne pas se révéler au monde profane.  Aujourd’hui on trouve des tas de forums & de sites internet où l’on peut échanger sur le sujet & proposer ses compositions. La langue des oiseaux se popularise et il n’est pas besoin d’être grand alchimiste ou lettré pour commencer à la découvrir. Elle nous initie elle-même à sa propre compréhension et s’entend de façon très simple. Une de ses clefs de décryptage est la phonétique, discipline dont chaque enfant connaît « par cœur » l’alphabet magique. Elle utilise aussi, entre autre, l’étymologie, le symbolisme, l’acrostiche & le palindrome, l’anagramme ou le rébus et autres jeux d’enfants.

 

Voici un exemple de son emploi, relatif à l’apprentissage (apprenti sage) alchimique :

 

- L’apprenti doit passer par trois « passages » (trois pas sages), trois étapes du grand œuvre alchimique (œuvre au : noir, blanc & rouge). Ainsi il aura « trépassé » & pourra renaître sous un nouveau jour.

 

- Au cours de sa quête, il aura besoin d’un intercesseur entre lui et le ciel, c’est alors qu’il cherchera son « Ange » (en je) et le trouvera en lui. Lorsqu’il ne fera plus qu’un avec son Ange (son soi supérieur), il fera alors la rencontre de son « Archange » (un arc en je) recréant ainsi le lien unissant les mondes supérieurs & inférieurs et laissant s’opérer « la magie » (l’âme agit).

 

- Tout au long de son pèlerinage vers le « sacré » (ça crée), il posera son baluchon dans beaucoup d’ « endroits » et en viendra à se demander s'il y à un envers à cet endroit ? Dés lors, sa quête deviendra celle de cet envers, et ce jusqu’à « la mort » (L’âme hors).

 

Ce type de jeux de mots devient d’ autant plus amusant lorsqu' on se rend compte qu’il fonctionne à travers pratiquement toutes les langues.

 

L’Angleterre, ayant été marquée par la quête chevaleresque, on se lève le matin en se disant « Wake up » (way cup: chemin de la coupe). Et, le soir, on se salut par « good night » (good knight: bon chevalier). La Beauté n’étant réelle que si elle est complète, « Beautiful !» (Beauty full), là encore, on retrouve cette idée d'unité inhérente à la quête de l’alchimiste.

 

La langue primordiale

 

Le fait que cela fonctionne à travers beaucoup de langues peut s’expliquer par une hypothèse d'ethno-linguistes selon laquelle il fut un temps, hors du temps, où existait une langue mère universelle. C’est de cette langue racine dont découleraient les langues indo-européennes http://fr.wikipedia.org/wiki/Langues_indo-europ%C3%A9ennes. Cette hypothèse se retrouve dans l’épisode biblique de la tour de Babel ainsi que dans la quête maçonnique de la « parole perdue ».

 

Rudolf Steiner (occultiste rosicrucien fondateur de l’anthroposophie) a travaillé sur cette idée et développé un concept appelé « l’esprit de la langue » : « Par esprit il faut entendre, un être, quoi que non incarné. Une langue serait donc une sorte d’être vivant immatériel, préexistant à la manifestation de ce que nous appelons une langue dans notre monde ordinaire. Une langue parlée ou écrite (voire seulement pensée) ne serait que la forme concrétisée, le "corps" d'un être immatérielle. Comme tout être vivant, le "corps" d'un tel esprit passerait par les phases de conception, naissance, adolescence, âge mûr, fécondation, vieillissement, mort. »

 

Lacan développe sa technique psychanalytique par le langage, Jung planchera aussi sur le sujet dans son travail sur les archétypes et ne sera pas le seul à enquêter sur l’origine d’une langue matrice. Dans la kabbale, ce ne sont ni plus ni moins que les lettres d’un alphabet céleste prononcées par le créateur qui seraient à l’origine du monde. L’alphabet utilisé par les juifs ne serait qu’une pâle et lointaine copie de l’alphabet divin. Certains mots hébreux seraient néanmoins si puissants que leur usage est interdit par la Torah, notamment la prononciation du nom de Dieu.

 

Au 16ème siècle, John Dee, astrologue & mage attitré de la reine Élisabeth d’Angleterre, cru avoir redécouvert cette fameuse langue céleste originelle. Ce serait au cours d’une invocation que des anges lui auraient révélé un nouvel alphabet, «l'énochien». Quelques temps plus tard, quand les entités répondant aux appels de Dee demandèrent à son assistant Edward Kelly de coucher avec sa femme, Dee devint perplexe sur l’origine angélique de l’alphabet & des forces s’étant manifestées à lui, et pour cause …

 

 

Le pouvoir du Son


Aucune cosmogonie ne fait l’impasse sur le pouvoir créateur du son et de la parole.

A travers les diverses cultures & époques, on entendra parler de Big Bang, du son primordial « OM », du logos. Saint Jean n’hésitera pas à dire dans le prologue de son évangile, que le verbe est Dieu lui-même : « Au commencement était le Verbe, et le Verbe était en Dieu, et le Verbe était Dieu. Tout par lui a été fait, et sans lui n'a été fait rien de ce qui existe. » Il était déjà admis par les hermétistes de l’époque ptolémaïque que « Rien ne repose, tout remue, tout vibre. » C’est aujourd’hui un fait confirmé par la physique quantique, tout est énergie, vibrant à l’unisson mais à différentes fréquences. La matière est à la fois particules et ondes (ce phénomène est appelé « dualité onde-particule » en physique et « coagula solve » en alchimie) .

 
Si la matière est vibration, alors quel effet peux avoir un son, c'est-à-dire une vibration, sur la matière ?

 

Le professeur Masaru Emoto a pris des clichés de molécules d’eau soumises à différents mots (sons) dans un registre émotionnel varié. Les cristaux réagissaient aux mots positifs en formant de magnifiques structures géométriques tandis que les négatifs donnaient des formes asymétriques quelconques. Rappelons-nous au passage que nous sommes constitués d’eau à 70%.

Au-delà de l’aspect hiéroglyphique, phonétique ou étymologique des mots, il est donc aussi question d’ « énergie » & de « vibration » . Chaque mot contient une énergie qui lui est propre, et en le vibrant (prononçant) on la réveille. En récitant mentalement un « mantra » on arrive aussi a en réveiller l’essence, ce qui laisse a penser que les pensées aussi vibrent et ont une influence sur ce qui nous environne.

 

                          "Amour"

 

              

                          "espece d'idiot"


 

 

L'Alphabet des oiseaux

 

Il existe aussi un système de décryptage (sortir de la crypte) non sonore de la langue des oiseaux qui consiste à analyser le sens de chaque lettre d’ un mot séparément afin d’en pénétrer l’essence et de percevoir (perce voir) son caractère intime par la méditation .

Prenons par exemple le mot « fort »

« F » correspond au feu
« O » = eau
« R » = l’air
« T » = la terre

https://www.youtube.com/watch?v=z55UjJnzhL8

 

On comprend mieux, dès lors, les recommandations de l’apôtre Jean à la fin de son Apocalypse (apocalypse : révélation en grec) : "malheur à ceux qui ajoutent ou retranchent un seul iota de ce livre ". En effet, s'il ne faut pas changer une seule lettre (iota) à certains textes au risque d’en bouleverser le sens, pour pouvoir les comprendre, mieux vaux ne pas les prendre au pied de la lettre .

 

Au risque de m’attirer les foudres de quelques créationnistes, je pense qu’on peut affirmer que la plupart des textes sacrés sont écrits en langue des oiseaux. L’allégorie comprise comme un support pour la méditation & la réflexion devrait nous éloigner d’un dogmatisme formel, clef de voûte du fanatisme.

 

En littérature, la langue des oiseaux a été utilisée dans des œuvres comme « Gargantua & Pantagruel » de Rabelais, « la Divine Comédie » de Dante, « Voyage au centre de la terre » & autres livres de Jules Vernes, « Cyrano de Bergerac » d’Edmond Rostand, « Les contes » de Charles Perrault ou encore « Don Quichotte » de Cervantès, un des plus grands monuments de la littérature alchimique.

 

On retrouve sa trace dans des jeux populaires tel que le  « jeux de l’oie » ou le « tarot ». Mais, au-delà de ces emplois volontaires, la langue des oiseaux est surtout utilisée par mégarde, quotidiennement et par nous tous. Les mots recèlent une certaine magie que l’inconscient n’ a qu’ a révéler. Des auteurs comme Carl Gustav Jung ou Jacques Lacan s’en firent une sonde pour explorer l’esprit, voyant dans l’analyse du choix subconscient des mots, une manière de l’extraire afin d’en saisir le sentiment secret.

 

La langue des oiseaux peut se découvrir sous de multiples aspects, mais je pense que ce qu’elle tend à nous apprendre à travers toutes ses facettes, c’est que la Parole est Magique.

Elle peux être une caresse ou infliger des plaies terribles, unifier ou diviser, donner vie ou tuer, à l'image de Brahmâ, le démiurge hindou qui crée et résorbe les mondes par le souffle de ses inspirations & expirations.

La langue des oiseaux nous enseigne aussi que la parole ne prend vie que dans l’écoute.

Tout parle ! Parfois dans une langue que l'on oublie d' entendre, mais, tout parle.

Et le vivant ne cessera jamais de murmurer à l' oreille du vivant le secret de son eternelle poésie ...

 

 

«  La Vie aime la conscience qu’on a d’ elle ». René Char


 

 

Aor & Lien, aux Urbains du Zénith .


 

* Merci à Patrick Burensteinas pour ses lumières sur le chemin de l' alchimie & de la langue des oiseaux .



 

 

3 commentaires
Le 0000-00-00 00:00:00 par Jay Cee
Voilà qui ouvre l'oreille en ces temps d'oralité, pour ma part je joute avec les merles et nous arrivons à des phrases musicales qui sont notre langage
Le 0000-00-00 00:00:00 par Harpocrate
cela doit en effet être un pur moment d' or alité ! :) " heureux celui qui comprend sans effort , le langage des fleurs & des choses muettes " nous disait ce bon vieux Charly ;)
Le 2015-02-27 22:59:19 par Polydele
Tant que planeront au sommet de l’abîme de la soupe miso primordiale des pâtes en langue d'oiseau et que comptant de leurs yeux refroidissant l'écume du bouillon des rêveurs haruspice les chants de l'inconnus seront chemin de traverse...
Numéro : 41 -