Theâtre invisible, théâtre social, performance de rue, cinéma de rue
Bercée par une oscillation discontinue entre le "que-dois-je faire ?" et le "que puis-je faire ?", entre la réalité des contraintes et la possibilité de la liberté, la société nécessite une lecture périodique des comportements fondamentaux de ses acteurs et des forces qui la travaillent.
Aussi la posture du sujet devient-elle plus ou moins aisée quant à la recherche de sa liberté propre. Le bruit incessant des obligations et des sollicitations semble le priver d'une autocritique salvatrice. Et cette introspection n’est-elle pas rendue possible par le jeu, c’est-à-dire le temps de jeu, qui nous met à distance du réel pour mieux le comprendre ? Ce jeu étudie la multiplicité des possibles qui permettent de nous adapter collectivement à la singularité des événements. Le jeu d’improvisation propose un ensemble de contraintes qui ont pour effet paradoxal de libérer l'expressivité de l'homme.
L’expérience du jeu d’improvisation dans l'espace public décode les limites de notre culture. Quelques propositions simples telles que la pose, qui renvoie à la fonction d’être en soi, la ronde qui est l’appartenance au groupe, la danse qui donne le nombre, le rythme et le mouvement, nous font expérimenter l'épreuve de la vie et la présence de l'être-au-monde. Si l'essence de l'homme est jeu, l’improvisation théâtrale permet-elle de révéler ce qui préserve la grâce de notre nature ? Elle permet tout au moins de s’exercer réellement au monde, dans son incessant dialogue avec la nature, en évitant de le fragmenter par des conceptions ou des écrans. Les outils du théâtre social nous invitent à rejouer la scène de notre société pour étudier la logique de son émergence . Ils offrent à l’humain un regard plus lucide sur les principes et les antagonismes des futures transformations sociales. Si par là nous nous préparons à accompagner l’accélération de changements susceptibles de bouleverser notre relation au milieu, alors nous aurons fait un pas pour que ces changements cessent de nous empêcher de jouer.
François Lizé, aux Urbains de Minuit
