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Numéro 61 - 07 septembre 2016
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Abécédaire des Urbains : lettre F pour Folie

 

Les propos qui vont suivre ont été recueillis de la bouche d'un possédé lors d’ une invocation à Mania, divinité de la Folie.

 

+ ou - , ^ ou v , blanc ou noir , chaud ou froid …

Il t’appartient de m’apprécier selon le visage qu’il te plaira .

Mon essence est Une & ineffable, mais les formes & les noms qui m’ont déguisée à travers les âges sont légion.

 

Je suis la Folie !

Et ne peux te dévoiler mon Mystère sans ravir ta raison .

Laisse-moi le temps de me dévêtir avec langueur .

Patience mon bien aimé, tu seras un jour à moi ! Mais avant que tu ne verses ton sang dans ma coupe, je te parlerai de mes œuvres & du nom de mes fils :

 

Je suis une fièvre antique, une romance maligne, j’existe & t’accompagne depuis la nuit des temps

Je suis la Lumière Noire jaillissant du fond de la caverne primitive.

L’homme a découvert le feu en posant sa torche sur mon front,

& apprit à dessiner à la lueur de l’étoile qui flamboie entre mes cornes.

 

Je suis Chronos ! Et je dévore mes enfants adorés. Mes fils sont des Titans ! Fous ou Génies selon la distance qui les sépare du  commun. Des Janus, des Monstres bicéphales, des Cerbères gardant les portes d’un enfer paradisiaque.

Je suis « Kali », une fleur de lotus s’épanouit dans la paume de ma main droite & ma main gauche brise un crâne putride.

Je suis la neige immaculée perlant du sein de la Vierge Noire.

La destruction & la création, qui sont une, dans le mystère de la vie & de la mort.

Je suis le Dieu fou des Barbelo-Gnostiques , « Yaldabaoth ». Le créateur de ce monde dément, « le Démiurge » & pourtant, mystères des mystères, ma mère est « Sophia », la Sagesse.

Lorsque je faisais danser les prairies d’Arcadie au son de ma flûte, les enfants de la vallée m’appelait « Pan ». En ce temps-là, animaux & anges  se tenaient par la main et aucun fruit n’était défendu. 

Les bacchantes me chantaient des hymnes en frottant leurs vulves à mes reins de lierre, l’humanité était nue et renaissait sans cesse à la lueur de mon extase… Je ne lui avais pas encore insufflé la Honte.

Je suis ce qui se meut au milieu de la contradiction, la coencidentia oppositorum, l’androgyne céleste faisant l’amour et la guerre avec lui-même.

 L’image que l’on se fait de l’inimaginable, le Deus inversus des kabbalistes, le nom dont on affuble l’ineffable. Ainsi, je suis le Dieu de tout les inquisiteurs, missionnaires & fanatiques.

Je porte le nom et le voile que mes amants me donnent,

Définis-moi ! Modèle-moi dans l’argile de ta propre folie !

Nous nous appartenons mutuellement, insuffle-moi au monde.

Ô mon prophète.

 

J’habille mes enfants rois de pourpre ou de couronne d’épine.

Je peux être le chant des sirènes éloignant Ulysse d’Ithaque ou le vent de Vérité soufflant dans les voiles blanches de l’histoire.

Je taille ma cape dans la toile de Maya.

«  Illusion tout n’est qu’illusion ! OM ! »

 

Quand je me repose en mon propre sein,

Osiris enlace Typhon & les contraires s’annulent.

Je me montre terrible devant celui qui me résiste.

Ta couche est à moi, l’ignores-tu, pauvre fou ?

 

Si tu choisis de me dompter ou de m’aliéner, tu t'eveilleras un matin en serrant l’oreiller d’un hôpital psychiatrique où je recueillerais les insensées confidences que j’insufflerais à l’oreille d’un peintre Catalan ou d’un terroriste basque. Et quand tu seras sacrifié sur l’autel de la norme, les sangles de la raison te retenant les bras, je ferai monter en toi un désir ardent de luxure que rien ne pourra satisfaire. Me lovant à Kundalini, je dévorerai ton esprit.

 

Nous sommes dans mon Ère, les Hindous l’appelle Kali Yuga .

Et ma décadente descendance se nomme Héliogabale, Néron ou Caligula.

Je dispense mes délices jusqu’à la nausée et suis au côté de tous les puissants. Les anciens appelaient mon empire « Ubris » ( l’ivresse du pouvoir )& Les premiers hébreux me nommait avec crainte  « le Prince de ce monde » ou «  l’adversaire ».

Je suis le Veau d'Or & le nombre de mon nom se cache dans la marée de chiffres déferlants sur les tableaux de Wallstreet. Je suis « Mammon » et la couleur de mes écailles est celle du dollars.

Je suis le terreau de cette fleur fragile & le mortier de cette tombe indécelable, l’enfant égaré et la parole retrouvée, cette poudre brune nageant tel un poisson bleu dans les veines des Floyds, l'échoes to Pompeï. L’ Absinthe & le couteau de Van Gogh , la craie avec laquelle De Nerval traçait ces hiéroglyphes occultes sur des murs invibles, la fureur de vivre qui conduisit Dean à la mort, l’électrochoc du Dr Ferdière sur les tempes d’Artaud, le récit de sa détresse et la transhumance de son génie dans les pleines égarées de l' esprit .

 

Mes enfants, une fois possédés, travaillent à mon œuvre & ne connaissent pas la mort. Désincarnés, ils continuent de hanter le monde, s’infiltrent, s’insinuent, se cristallisent dans le cœur du rêve, là ou se formule la vie.

J’élève et j’abaisse, j ’inspire autant que j’expire, dans un mouvement analogue au battement du cœur, à la vague, ou aux hanches de l’amour.

Nul ne peut échapper à mon empire …

& déjà un vent de folie claque & clos la fenêtre du narrateur ... quelque chose s'en est allé ...

 

Harpocrate, aux urbains de minuit et de midi

 

1 commentaires
Le 2015-02-27 22:52:34 par Polydele
Je suis celui qui lit et qui comprend, je suis celui qui voit dans un monde d'aveugle, celui qu'on brûlait jadis; hérétique de la rectitude...
Numéro : 39 -