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Numéro 61 - 07 septembre 2016
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10 blogs BD de ouf

Si je devais faire un top ten des blogs bédés de ouf que j'aime lire, le blog « Cigish et le sacrilège » remporterait sans doute la première place.

http://incarnfiction.blogspot.fr/

J'ai goûté la puissance sobre du dessin dès que j'ai commencé à papillonner de post en post. Mais ce n'est qu'après m'être plongée dans le processus narratif, de la première à la dernière note, en respectant l'ordre chronologique, que j'ai compris la démesure de l'entreprise créatrice. J'insiste : il faut prendre le temps de relire tout depuis le début, y compris les commentaires, pour saisir vraiment l'intérêt de l'expérience numérique menée.

Un constat s'impose : Florence Dupré la Tour, l'auteure de ce blog, est complètement barge. Non seulement elle ne fonctionne pas comme une personne normale (normale étant ici à prendre pour synonyme de morose, ennuyeuse, prévisible et infiniment banale, comme le sont la plupart des gens) mais de surcroît elle a le don d'entraîner le plus de monde possible dans ses délires.

Si Dupré La Tour peut passer pour cinglée à bien des égards, force est de constater qu'elle a la folie raisonneuse, symbolique et extrêmement signifiante. L'histoire débute avec une messe au cours de laquelle le personnage principal, Florence elle-même, ouvre les yeux sur le vide intérieur qui la torture. Ne parvenant plus à éviter la difficile question « Qui suis-je ? », elle prend la décision solennelle de se réinventer. Là où d'autres se seraient contenté d'un passage chez le relookeur et chez le coiffeur, Florence, légèrement mystique sur les bords de l'athéisme, décide de se transsubstanter en Cigish.

Cigish, personnage issu des jeux de rôle, qui ont marqué son adolescence et qui inspirent toute la construction du blog, a pour caractéristique principale d'être méchant. C'est sous ses traits grimaçants qu'elle se dessine pour raconter sa vie. Les histoires ont donc une forte teneur autobiographique, mais il est très difficile de démêler la fiction de la réalité, ce qui fait tout l'intérêt du blog. Du début à la fin, on ne cesse de se poser la même question lancinante : Ce qu'on lit relève-t-il de la manipulation géniale ou d'une habile construction du hasard a posteriori ? Ou plus simplement : Qu'est-ce qui est vrai, qu'est-ce qui est inventé ? Difficile de savoir car Cigish, en plus d'être cruel, moqueur et moche, est aussi un indécrottable menteur. Il pratique l'art du mensonge avec autant de talent que Dupré La Tour pratique l'art de la bédé. Du début à la fin, tout le monde est roulé dans la farine, et si l'expérience n'a pas dû être toujours facile pour les personnes qui ont croisé son chemin dans la vie réelle, en revanche c'est un véritable bonheur pour le lecteur qui va de surprise en surprise.

La thématique religieuse hante tout le blog et produit quelques-uns des dessins les plus sublimes. Comme tous les grands paranos, Cigish se prend souvent pour Dieu et s'efforce d'imposer son culte avec les moyens les plus ésotériques. Il multiplie les actes sacrilèges, n'hésitant pas à se mettre en danger, spirituel tout d'abord, puis social très rapidement. C'est là un autre aspect remarquable du blog : l'engagement de l'auteur dans sa fiction. Florence se dessine jouant Cigish, cette sale créature, au mépris de toutes les conventions sociales, ce qui la met souvent en conflit et la ridiculise auprès de sa famille, ses éditeurs potentiels ou encore ses étudiants. Lorsque d'invisibles lecteurs commencent à hanter l'histoire sous forme d'appels téléphoniques angoissants, de clef USB remplie de fichiers agressifs, ou de menaces de mort, on se dit que le meneur de jeu a peut-être été dépassé par ses joueurs. Cet engagement excessif, presque dangereux, dans la fiction, n'est pas l'aspect le moins fascinant du blog. Florence en a d'ailleurs conscience : elle n'hésite pas à se comparer, dans l'une des dernières notes, à Sainte Blandine offrant le spectacle de son martyre au voyeurisme cruel des foules.

En s'inspirant de sa pratique des jeux de rôle, Florence Dupré La Tour a réalisé une bande dessinée en ligne dans laquelle l'interactivité n'est pas un vain mot. Tout au long de cette expérience d' « incarnfiction », appellation théorique imaginée par elle pour désigner le processus par lequel « la fiction, et [les] éléments qui la constituent » vont « se déplacer, dans un juste retour des choses, vers le monde réel », elle exploite à fond les ressources du numérique, créant ainsi un objet artistique et narratif complètement original. Et dément.

 

Neuf autres blogs BD de ouf, sans ordre de préférence :

 

http://www.caneferarirequenous.com/

Hallucinations glaciales, humour anxieux, voire suicidaire.

 

http://louvreblondeau.canalblog.com/

Exquise tendance exhibitionniste. Hélas interrompu depuis 2011.

 

http://jesuispasseauscotch.com/

Intelligemment autistique et plaisamment dépressif.

 

http://tumourrasmoinsbete.blogspot.fr/

Génialement délirant mais rigoureusement scientifique.

 

http://koudavbine.blogspot.fr/

Vicieusement inverti et politiquement indécent.

 

http://leblogamalec.blogspot.fr/

Agité du turbomédia, sujet à la déraison narrative.

 

http://socio-bd.blogspot.fr/

Forte dépendance à l'activité sociologique sous toutes ses formes.

 

http://www.contactbd.fr/

Penchant pathologique pour la blague courte et percutante.

 

http://projetcrocodiles.tumblr.com/

Diagnostic perspicace d'un monde atteint de machisme viscéral.

 

Amandine Brûlée, blogueuse folle

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Numéro : 39 -