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Numéro 61 - 07 septembre 2016
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Clitocratie

(Les définitions suivantes sont issues de Wiktionnaire)

Clitocratie : (Péjoratif) Domination socioculturelle exercée par les femmes sur les hommes.

Vulvocratie : (Péjoratif) Dans le langage masculiniste, se dit d’un type de pouvoir exercé par les femmes.

Vaginocratie : Domination sociale, culturelle, symbolique exercée par les femmes sur les hommes.

Hé, les hommes ! Vous avez donc tellement peur de perdre le pouvoir ? Mais rassurez-vous ! Le pouvoir, vous pouvez le garder ! Nous n'en voulons pas !

Je travaille au-dessus d'une cour de lycée. Depuis qu'il fait beau, les élèves amènent des raquettes et des volants et font des parties de badminton. Vu d'en haut, c'est joli comme des papillons, leurs battements de raquettes, leurs trajectoires imprécises et gracieuses. J'ai remarqué un homme, ce doit être une sorte de maton pour lycéens, quand il traverse la cour, le jeu s'arrête. Très droit, très raide, on sent qu'il ne se déplace que pour aller engueuler quelqu'un. Sur son passage, les corps se figent, les rires s'interrompent, les raquettes retombent comme des appendices inutiles. Sans doute est-il très fier de cette capacité qu'il a, par sa seule présence, de faire se recroqueviller tout ce qui se déploie.

Le voilà, l'effet grandiose du pouvoir que vous craignez tant qu'on vous prenne.

On va vous le dire clairement : la faculté de transformer les corps humains en quilles de bois, on vous la laisse. Ce qui nous intéresse, nous, c'est de nous mélanger. De trouver des moyens de réduire les distances. De stimuler les organes qui produisent du liant. La salive, avec laquelle on parle, on embrasse et on suçote. Ou tout autre fluide permettant de recevoir des bouts de l'autre en soi, et de mettre des bouts de soi en l'autre, sans provoquer d'irritations. Ce qui nous semble beau, bon, et désirable par dessus-tout, ce n'est pas de régner sur le plaisir de ceux qui nous entourent, c'est de le faire nôtre, ainsi que leur souffrance, dans la plus totale confusion de peau et de système nerveux.

Allez voir chez ma camarade, Samantha Ectoplasm. Comme ça se mélange à forme perdue. À forme brisée. À forme avariée. Regardez par exemple, dans son Triptyque, comment le personnage féminin et le personnage masculin se greffent l'un à l'autre. Bien malin celui qui pourra dire ce qui sort et ce qui rentre, ce qui pénètre et ce qui est pénétré. Dans la même image, observez comment les liens jaillissent des corps, comment ils tissent et relient des formes simples pour construire, au centre, une forme plus vaste, plus solide et plus complexe. Du sang circule dans ces liens : le processus est vital, et on ne saurait y renoncer sans dépérir.

http://samectoplasm.wordpress.com/drawingsdessins/drawingsdessins-2/

Avec ses images, Sam nous rappelle que nous aurions tort de croire que la stabilité est plus qu'un état passager. Ce qui ne change pas, c'est que ça change. Sans cesse. Nous aurions tort de croire que notre maison est bâtie. Que notre problème est réglé, bien réglé cette fois. Que notre vie est réussie, 120% de matière grasse en satisfaction, ou ratée, séance de doigts dans la gorge pour anorexique. Nous aurions tort d'oublier que nous sommes mortels, donc liés à l'infini. N'en déplaise à tous ceux qui ont peur de perdre leur pouvoir, fiers d'être achevés, moulés, sculptés, emballés dans leur forme une fois pour toutes. Derrière leurs lunettes, et derrière leurs yeux, ils vous scrutent anxieusement, surtout ne pas laisser trop de silence entre les paroles, vous pourriez y glisser une idée qu'ils n'ont jamais eue et qui désorganiserait leur système de pensée. Plus prompts à rajouter une brique à la barricade de leur mépris qu'à dilater un orifice, ils ne recommencent à respirer que lorsque vous vous éloignez d'eux à distance respectueuse.

Je crois qu'on vit mieux en s'inter-bouleversant l'état émotionnel. En s'entre-assouplissant l'architecture mentale. En se modifiant mutuellement la composition chimique, en se compliquant la formule, en s'augmentant sans cesse la recette avec de nouveaux ingrédients. S'il y avait un programme à ma clitocratie, ce serait ça : se démolir la forme à l'éclat de rire, à la décharge orgasmique, à l'explosion de colère, au coup de blues. Il y a partout des occasions de ne pas rester intact.

 

Animande; aux Urbains de Minuit, et de midi

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Numéro : 38 -