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Numéro 61 - 07 septembre 2016
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Niçois par contumace *

Être de quelque part

 

 

Quelque chose m'a toujours stupéfait, c'est cette capacité qu'ont certaines personnes à être fiers d'être né ici ou ailleurs comme si par un fait mystérieux ils étaient responsables de quoi que ce soit dans l'événement de leur propre naissance. On peut être fier de ce que l'on fait, de ce qu'est devenu quelqu'un qu'on aime, mais fier d'être né quelque part alors là...

Cela s'explique évidement. Tout part, je crois du principe de  dignité. C'est une idée qui se dessine souvent en ombre chinoise : pour avoir le sentiment de sa propre dignité, il faut avoir été bafoué, humilié dans celle-ci, d'où je crois en retour  cette réaction d'orgueil démesurée et un peu narcissique qui consiste à graver cette fierté "d'être" dans le marbre.

Quelque chose m'a toujours frappé aussi, c'est cette capacité qu'on certaines personnes intouchables (dans leur dignité) de par leur naissance ou leur statut à Être, être sans aucun recul, être immédiatement sans jamais se poser le question "qui-suis-je ?"

Je n'ai pas honte de ma naissance, je n'ai pas honte de mes origines, de mon accent, je n'ai pas honte de ce que je suis devenu, et c'est ma dignité inaliénable d'homme qui a réfléchi sur lui-même, mais je ne suis pas fier non plus de tout ceci. Je suis fier quand je vois mon neveu sur une scène de théâtre, je suis fier des combats syndicaux des ma compagne, je suis fier des talents remarquables de certains de mes amis, mais je ne suis pas fier d'être ce que je suis. Ce que je suis est le résultat d'un itinéraire familial, mais aussi et surtout de mes actes et je pourrais être fier de certains d'entre-eux, seulement certains, et seulement de mes actes.

 

"les imbéciles heureux qui sont nés quelque part " Brassens

http://www.dailymotion.com/video/xgfiz9_brassens-la-ballade-des-gens-qui-sont-nes-quelque-part_music

 

Faut-il que les hommes aient été bafoués, méprisés, humiliés pour qu'ils soient fiers d'être Niçois, Belges, Ougandais, Martiens, plombiers zingueurs, montreurs d'ours, femmes à barbes, hommes-troncs ?

Personnellement je n'ai aucune honte à être né à Nice, mais aucune fierté non plus. J'aurais pu, comme beaucoup d'entre nous, dans des circonstances historiques  différentes, naitre dans d'autres pays de la méditerranée, et pas que sur cette rive...

Le "men bati sieu nissart", avec le baudou mal rasé clope au bec qui fait un bras d'honneur, ne m'a jamais fait rêver... et vous?

autre version du bulou...

Éloigné de cette ville et de cette région, j'ai appris à l'aimer peut-être plus qu'avant, à lui pardonner ses petits défauts, à chérir des détails, des couleurs, des odeurs et à savoir grâce au recul nécessaire, peut-être mieux ce que je suis, et comment je peux me définir. Je me sens, je suis Méditerranéen, point. Je suis méditerranéen au regard de mon histoire familiale, de ma culture, de ma sensibilité.

Être niçois

Qu'est-ce que l'identité niçoise ?

Je n'en ai aucune idée. Par des faits concrets, des marqueurs objectifs, bien définis chiffrables identifiables ? alors là...

Ce qui est sûr, c'est que dans cette ville de la méditerranée, aux brassages culturels importants, parmi les purs Niçois, enfin ceux qui se définissent comme tels, parmi ces vrais Nissarts donc, il y en a peu qui font quelque chose pour leur propre ville, ils sont Nissarts fiers de l'être mais ne font rien, ils se contentent d'être fiers...de n'être que fiers... Être de quelque part, c'est faire pour ce "quelque part" et ne pas rester un imbécile heureux.

Être c'est faire, ce n'est pas moi qui l'ai inventé !

Faire vivre sa ville, faire perdurer ses cultures ses traditions, changer le regard que l'on a sur elle, le confronter à d'autres regards, échanger, participer, l'aimer, la critiquer aussi justement parce qu'on l'aime...

Etre Niçois ce n'est pas seulement être fan de l'OGYM, manger de pan-bagnats et des raviolis. Je n'ai rien contre le foot, ni contre les cultures populaires et culinaires bien au contraire, mais à chacun finalement de trouver, d'inventer sa façon d'être Niçois, il y a tellement de possibilités, et surtout d'y réfléchir, c'est-à-dire, comme un miroir réfléchit, prendre la distance juste pour le comprendre et le restituer. Affirmer sa culture ce n'est pas la porter comme bouclier contre le reste du monde, mais l'apporter en cadeau d'échange et d'ouverture.

 

Les vagues identitaires

Inutile de dire que les revendications identitaires et extrémistes, voire brunes foncées de la culture niçoise me font vomir, blêmir et détester cette région propre à engendrer continuellement des fachos de tous poils. C'est une tragédie mal écrite, mal fagotée, faite de bouts de ficelles, de fragments d'idéologies disparates. Au centre de tout cela, le ressentiment, la bêtise crasse et la blessure narcissique de pauvres types trop petits, trop moches, trop mal aimés, qui rêvent de se transformer en toute puissance gorgée de testostérone et de volonté d'en découdre.

L'idéologie ? parlons en : une haine contre tout ce qui n'est pas eux, c'est-à-dire, des niçois de souche par exemple, empruntant à la culture populaire des icônes comme Catherine Ségurane, Garibaldi  organisés autour d'actions choc, coup de poing ; enfin rien que du classique. Que veulent-ils? Je pense qu'ils ne le savent pas eux-même tant leur hauteur de vue est  courte. Renverser la démocratie et la République ? Sans aucun doute.  Et Nice dans tout ça ? Un prétexte...

Le petit bout de la lorgnette

Au rayons des illuminés vivant dans la cristallisation pathologique du passé et rêvant d'une indépendance niçoise, nos amis du "pais nissart" partent du postulat que la France est en train s'écrouler et que par conséquence l'aiglon niçois, tel le phénix va renaitre de ses cendres. Leur site internet est très documenté, voire trop, très partial aussi. Ils semblent vouloir pallier par une profusion de recherches historiques (pas toujours inintéressantes d'ailleurs) , au déficit flagrant du principe de réalité.  Leur théorie : je résume, donc je trahis un peu; tout tourne autour du rattachement du Comté de Nice à la France en 1860 (153 ans...), et d'un vote plébiscite largement "arrangé" par Napoléon III. Dans les faits donc, si on pousse le raisonnement, Nice n'aurait jamais dû être rattachée à la France.

La belle affaire ! Comme si dans l'histoire l'humanité seuls les niçois avaient été victimes de ce genre de forfaiture, c'est une constante historique, peut-être la seule qui tienne, les peuples sont trahis, bafoués, manipulés par les puissants, quelle trouvaille ! On fait quoi, on reste bloqués 150 ans en arrière ? S'en découle une liste de traitres à la cause niçoise: Massena, Malaussena etc... et un héros tutélaire, attention... roulement de tambour : GUISEPPE GARIBALDI , encore lui !

Il a bon dos le pauvre Garibaldi qui effectivement était contre le rattachement de Nice à la France... mais qui a dans sa vie largement dépassé le Var : le Risorgimento, l'expédition de Mille, les guerres d'indépendance au Brésil et en Uruguay et j'en passe... il a même failli être général en chef pendant la guerre de Sécession (à ce titre un excellent livre "Garibaldi" de Pierre Milza)

Est-ce simplement par posture ou parce que les places sont chères, mais ces derniers ont une dent contre les identitaires, ce qui me les rendraient presque aimables, mais leur quête de l'identité niçoise parait irréelle, elle veut rompre avec le pays occitan, le Coupo Santo, Frédéric Mistral etc... ce sont des niçois qui se regardent dans le blanc de l'œil, qui tournent en rond dans leur "nissitude", dans leur recherche de pureté niçoise, comme si Nice n'était pas propi un mesclun ! "A la fin il ne devra un rester qu'un", comme disait l'autre, dans cette quête effrénée d'une identité pure, d'une culture figée dans le temps et l'espace.

A l'image du MUCEM, pour une culture ouverte

Que l'on prenne le mot Culture dans le sens de "production d'objets culturels" ou bien dans celui d'ensemble de valeurs et de signes distinctifs dans lesquels se reconnait un groupe d'individus, la culture est toujours issue d'un croisement des regards, une mise en perspective ou en abîme, une tentative de réfléchir en l'autre son propre reflet.

Un peuple régi par des pratiques qui lui son propres ne peut parler de culture que lorsqu'il confronte ses pratiques à d'autres peuples différents. Naturellement ces confrontation engendrent des modification bilatérales, des échanges, des décalages. C'est pour cela que la culture vivante ou les cultures, sont bâtardes de nature, impures et transverses. La culture ne peut être que cela sinon elle meurt. Une culture qui meurt est une culture qui a oublié de se réinventer.

Être niçois  c'est s'inventer niçois, jeter des ponts au-delà du Paillon, du Var, de la méditerranée, comme ce beau pont du MUCEM, et se voir beau dans le regard des autres. Il n'y a pas d'autre salut.

le MUCEM et son pont vers Fort St Jean, tout un symbole

F.L.

* Cet article a été écrit pour le numéro 23 des Urbains de Minuit en Novembre 2013

 

Mots clés : #Nice
1 commentaires
Le 0000-00-00 00:00:00 par
Le Journal des Urbains de Minuit "Vole de + en + haut !
Des articles très "fouillés" ...
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